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Message par crodan00 Jeu 18 Fév - 7:30

LE LOUP ET L'AGNEAU (*)


Jean de la Fontaine - Page 4 Loupag11

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure (1).
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi (2) de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas (3) désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si (4) je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge."
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.



Voici une des fables les plus connues...
Le terme de "procès" employé à la fin de
la fable peut faire réfléchir en quoi elle
peut exposer réellement un procès.
" L.F. fixe en ses vers les circonstances respectives
de ceux qui sont dans le récit accusateur (le Loup)
et défenseur (l'Agneau) plaidant la cause de la
victime (le Loup) face à l'agresseur (l' Agneau)
afin que le lecteur soit le juge de cette cause"
(Patrick Goujon, Le Fablier, N°3 )
" [...] la prétention du Loup qui veut avoir raison
dans son injustice, et qui ne supprime tout prétexte
et tout raisonnement que lorsqu'il est réduit à
l'absurde par la réponse de l'Agneau." (Chamfort)
" [...] "Le Loup et l'Agneau", cette merveille, pas un
mot de trop ; pas un trait, pas un des propos du
dialogue, qui ne soit révélateur. C'est un objet
parfait." A.Gide (Journal 1939-1949, Bibl.de La Pléiade)

(*) Les sources sont Ésope (titre identique)
et Phèdre (I,1) que L.F. suit d'assez près

(1) à l'instant même
(2) assez hardi pour
(3) "Tous ceux qui savent écrire et qui ont
étudié, disent "je vais" [...] mais toute la cour
dit "je va", et ne peut souffrir "je vais", qui
passe pour un mot provincial ou du peuple
de Paris" (Vaugelas).
Je me vas : forme dite progressive
marquant la continuité de l'action : je suis
en train de me désaltérer.
(4) puisque
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Message par crodan00 Ven 19 Fév - 3:26

LE LOUP ET LE CHASSEUR


Jean de la Fontaine - Page 4 Loucha10

Fureur d'accumuler, monstre de qui les yeux
Regardent comme un point (1)tous les bienfaits des Dieux,
Te combattrai-je en vain sans cesse en cet ouvrage ?
Quel temps demandes-tu pour suivre mes leçons ?
L'homme, sourd à ma voix comme à celle du sage,
Ne dira-t-il jamais : C'est assez, jouissons ?
Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre.
Je te rebats (2) ce mot ; car il vaut tout un livre.
Jouis. Je le ferai. Mais quand donc ? Dès demain.
Eh ! mon ami, la mort te peut prendre en chemin.
Jouis dès aujourd'hui : redoute un sort semblable
A celui du Chasseur et du Loup de ma fable.
Le premier, de son arc, avait mis bas (3) un Daim.
Un Faon de Biche passe, et le voilà soudain
Compagnon du défunt ; tous deux gisent sur l'herbe.
La proie était honnête ; un Daim avec un Faon,
Tout modeste (4) Chasseur en eût été content (5):
Cependant un Sanglier, monstre énorme et superbe,
Tente encor notre Archer, friand de tels morceaux.
Autre habitant du Styx (6) : la Parque et ses ciseaux (7)
Avec peine y mordaient ; la Déesse infernale
Reprit à plusieurs fois l'heure au monstre fatale (Cool.
De la force du coup pourtant il s'abattit.
C'était assez de biens ; mais quoi, rien ne remplit
Les vastes appétits d'un faiseur de conquêtes.
Dans le temps que le Porc revient à soi, l'Archer
Voit le long d'un sillon une Perdrix marcher,
Surcroît chétif aux autres têtes.
De son arc toutefois il bande les ressorts.
Le Sanglier, rappelant les restes de sa vie,
Vient à lui, le découd, meurt vengé sur son corps ;
Et la perdrix le remercie.
Cette part du récit s'adresse au convoiteux :
L'avare aura pour lui le reste de l'exemple.
Un Loup vit, en passant, ce spectacle piteux.
Ô fortune, dit-il, je te promets un temple.
Quatre corps étendus ! que de biens ! mais pourtant
Il faut les ménager, ces rencontres (9) sont rares.
(Ainsi s'excusent les avares.)
J'en aurai, dit le Loup, pour un mois, pour autant (10).
Un, deux, trois, quatre corps, ce sont quatre semaines,
Si je sais compter, toutes pleines.
Commençons dans deux jours ; et mangeons cependant (11)
La corde de cet arc ; il faut que l'on l'ait faite
De vrai boyau ; l'odeur me le témoigne assez.
En disant ces mots, il se jette
Sur l'arc qui se détend, et fait de la sagette (12)
Un nouveau mort : mon Loup a les boyaux percés.
Je reviens à mon texte. Il faut que l'on jouisse ;
Témoin ces deux gloutons punis d'un sort commun ;
La convoitise perdit l'un ;
L'autre périt par l'avarice.


Sources : Pilpay (Le Livre des Lumières) D'un chasseur et d'un Loup
Le prologue (12 premiers vers) est suivi de deux "exemples" (celui du Chasseur et celui du Loup, le premier le "convoiteux", le second "l'avare", ainsi nommés aux vers 33 et 34). La moralité (les deux derniers vers) porte sur l'ensemble.

Le sens du mot "jouir" employé par le poète, "jouir" au sens épicurien "suppose que l'on a compris et surmonté ce qu'il y a d'inassouvissable dans le désir [...]. De la découverte de la limite du temps humain, L.F., suivant Epicure et Lucrèse, tire une autre conclusion : vivons chaque instant à la fois dans sa plénitude et dans sa limite, en renonçant à y voir la promese d'une plénitude illimitée à venir. [...] Le "jouir" lafontainien introduit la modération, et même le repos, au coeur même de la joie terrestre dont l'homme est capable." Marc Fumaroli, Fables, éd. La Pochothèque, p.910.


(1) comme une toute petite chose
(2) sens de : rabâcher
(3) abattu
(4) qui a de la modération
(5) qui est satisfait, qui a ce qu'il désire (dict. Académie)
(6) autre mort
(7) Les 3 Parques : divinités : Nona, Décima et Morta, décidaient du moment où elles couperaient le fil de la vie.
(Cool s'y prit à plusieurs fois pour détruire la vie
(9) occasions
(10) pas moins
(11) en attendant
(12) la flèche
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Message par crodan00 Sam 20 Fév - 6:09

LE LOUP ET LE CHIEN (*)


Jean de la Fontaine - Page 4 Louchi10

Un Loup n'avait que les os et la peau ;
Tant les Chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli (1), qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers.
Mais il fallait livrer bataille
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
Il ne tiendra qu'à vous, beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres (2), haires (3), et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? Rien d'assuré, point de franche lippée (4).
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi ; vous aurez un bien meilleur destin.
Le Loup reprit : Que me faudra-t-il faire ?
Presque rien, dit le Chien : donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants (5) ;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire ;
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons (6) :
Os de poulets, os de pigeons,
........Sans parler de mainte caresse.
Le loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant il vit le col du Chien, pelé :
Qu'est-ce là ? lui dit-il. Rien. Quoi ? rien ? Peu de chose.
Mais encor ? Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? Pas toujours, mais qu'importe ?
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.


La leçon d'indépendance que vous allez lire a pourtant été désapprouvée par Jean-Jacques Rousseau dans "l'Emile" . Il écrit :
"Je n'oublierai jamais d'avoir vu beaucoup pleurer une petite fille qu'on avait désolée avec cette fable.
[...] La pauvre enfant s'ennuyait d'être à la chaîne : elle se sentait le cou pelé ; elle pleurait de n'être pas loup."



(*) Les sources de la fable sont Phèdre (III,7)
(traduction Sacy) qui s'inspirait lui-même d'Esope (Névelet)

(1) le poil luisant
(2) se dit proverbialement d'un homme pauvre qui n'est capable de faire ni bien ni mal (Furetière)
(3) homme qui est sans bien ou sans crédit (Furetière)
(4) signifie au propre autant de viande qu'on en
peut emporter avec la lippe, ou les lèvres (Furetière)
(5) portants et mendiants prennent un "s", pourtant, ce sont
des participes présent ; ce n'est qu'à partir de 1679
que l'Académie déclarera qu'ils doivent rester invariables.
(6) restes
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Message par crodan00 Lun 22 Fév - 6:25

LE LOUP ET LE CHIEN MAIGRE


Jean de la Fontaine - Page 4 Louchm10

Autrefois Carpillon fretin
Eut beau prêcher, il eut beau dire ;
On le mit dans la poêle à frire.(1)
Je fis voir que lâcher ce qu'on a dans la main,
Sous espoir de grosse aventure, (2)
Est imprudence toute pure.
Le Pêcheur eut raison ;
Carpillon n'eut pas tort.
Chacun dit ce qu'il peut pour défendre sa vie.
Maintenant il faut que j'appuie
Ce que j'avançai lors de quelque trait encor.
Certain Loup, aussi sot que le pêcheur fut sage,
Trouvant un Chien hors du village,
S'en allait l'emporter ; le Chien représenta
Sa maigreur : Jà (3) ne plaise à votre seigneurie
De me prendre en cet état-là ;
Attendez, mon maître marie
Sa fille unique. Et vous jugez
Qu'étant de noce, il faut, malgré moi que j'engraisse.
Le Loup le croit, le Loup le laisse.
Le Loup, quelques jours écoulés,
Revient voir si son Chien n'est point meilleur à prendre.
Mais le drôle était au logis.
Il dit au Loup par un treillis :
Ami, je vais sortir. Et, si tu veux attendre,
Le Portier du logis et moi
Nous serons tout à l'heure à toi.
Ce Portier du logis était un Chien énorme,
Expédiant les Loups en forme. (4)
Celui-ci s'en douta. Serviteur au portier,
Dit-il ; et de courir. Il était fort agile ;
Mais il n'était pas fort habile :
Ce Loup ne savait pas encor bien son métier
.

Source : Esope Le chien endormi et le loup

(1) Référence à la fable Le peit Poisson et le Pêcheur
(2) de gros profit, incertain
(3) précède la négation et la renforce
(4) conformément aux règles
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Message par crodan00 Mar 23 Fév - 8:07

Le Loup et le Renard


Jean de la Fontaine - Page 4 Louren10

Mais d'où vient qu'au Renard Ésope accorde un point ?
C'est d'exceller en tours pleins de matoiserie. (1)
J'en cherche la raison, et ne la trouve point.
Quand le Loup a besoin de défendre sa vie,
Ou d'attaquer celle d'autrui,
N'en sait-il pas autant que lui ?
Je crois qu'il en sait plus ; et j'oserais peut-être
Avec quelque raison contredire mon maître.
Voici pourtant un cas où tout l'honneur échut
A l'hôte des terriers. Un soir il aperçut
La Lune au fond d'un puits : l'orbiculaire (2) image
Lui parut un ample fromage.
Deux seaux alternativement
Puisaient le liquide élément.
Notre Renard, pressé par une faim canine, (3)
S'accommode (4) en celui qu'au haut de la machine
L'autre seau tenait suspendu.
Voilà l'animal descendu,
Tiré d'erreur, mais fort en peine,
Et voyant sa perte prochaine.
Car comment remonter, si quelque autre affamé,
De la même image charmé,
Et succédant à sa misère,
Par le même chemin ne le tirait d'affaire ?
Deux jours s'étaient passés sans qu'aucun vînt au puits ;
Le temps qui toujours marche avait pendant deux nuits
Echancré selon l'ordinaire
De l'astre au front d'argent la face circulaire.
Sire Renard était désespéré.
Compère Loup, le gosier altéré,
Passe par là ; l'autre dit : Camarade,
Je veux vous régaler ; voyez-vous cet objet ?
C'est un fromage exquis. Le Dieu Faune (5) l'a fait,
La vache Io (6) donna le lait.
Jupiter, s'il était malade,
Reprendrait l'appétit en tâtant d'un tel mets.
J'en ai mangé cette échancrure,
Le reste vous sera suffisante pâture.
Descendez dans un seau que j'ai mis là exprès.
Bien qu'au moins mal qu'il pût il ajustât l'histoire,
Le Loup fut un sot de le croire.
Il descend, et son poids, emportant l'autre part,
Reguinde (7) en haut maître Renard.
Ne nous en moquons point : nous nous laissons séduire
Sur aussi peu de fondement ;
Et chacun croit fort aisément
...............Ce qu'il craint et ce qu'il désire.


Les sources possibles de cette fable seraient "Le roman de Renart" (mais rien ne prouve que La Fontaine l'ait connu) ou plus probablement celle de Jacques Régnier dans ses "Apologi Phaedrii (I,18) (un renard poursuivant une poule, tombe dans un puits, la poule entre les dents, puis attire le loup en lui vantant les ressources du puits.)

[...] Ici, c'est d'abord le renard "qui est tombé dans le panneau du reflet de lune pris pour un fromage, et qui découvre que"l'orbiculaire image" peut être entamée par le temps qui passe , non par ses dents ! S'il parvient à éviter le pire, et à faire tomber le loup dans le panneau, les deux fauves n'en sont pas moins, en quelque sorte, à égalité [...] même les fauves si rusés soient-ils au service de leurs passions voraces, peuvent aussi bien que leurs victimes être les dupes de la crainte et de l'espérance" (M. Fumaroli, La Fontaine, Fables, éd. La Pochothèque, p. 970.)

(1) finesse du matois, fourberie (Furetière)
(2) de figure ronde et sphérique. La rondeur orbicukaire du soleil, des astres.
(3) fort grande faim
(4) s'installe tant bien que mal
(5) Dieu des bois et des troupeaux
(6) prêtresse de la mythologie grecque. Zeus l'aima et la transforma en génisse pour la soustraire à la jalousie de sa femme Héra.
(7) remonte
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Message par crodan00 Mer 24 Fév - 7:52

LE LOUP ET LE RENARD (2)


Jean de la Fontaine - Page 4 Louren11

D'où vient que personne en la vie
N'est satisfait de son état ?
Tel voudrait bien être Soldat
A qui le Soldat porte envie. (1)

Certain Renard voulut, dit-on,
Se faire Loup. Hé ! qui peut dire
Que pour le métier de Mouton
Jamais aucun Loup ne soupire ?

Ce qui m'étonne est qu'à huit ans
Un Prince en Fable ait mis la chose,
Pendant que sous mes cheveux blancs
Je fabrique à force de temps
Des vers moins sensés que sa prose.

Les traits dans sa fable semés
Ne sont en l'ouvrage du poète
Ni tous, ni si bien exprimés.
Sa louange en est plus complète.

De la chanter sur la musette,
C'est mon talent ; mais je m'attends
Que mon Héros, dans peu de temps
Me fera prendre la trompette.

Je ne suis pas un grand prophète ;
Cependant je lis dans les cieux
Que bientôt ses faits glorieux
Demanderont plusieurs Homères ;
Et ce temps-ci n'en produit guères.
Laissant à part tous ces mystères,
Essayons de conter la fable avec succès.

Le Renard dit au Loup : Notre cher, pour tous mets
J'ai souvent un vieux Coq, ou de maigres Poulets ;
C'est une viande qui me lasse.
Tu fais meilleure chère avec moins de hasard.
J'approche des maisons, tu te tiens à l'écart.
Apprends-moi ton métier, Camarade, de grâce :
Rends-moi le premier de ma race
Qui fournisse son croc de quelque Mouton gras,
Tu ne me mettras point au nombre des ingrats.
Je le veux, dit le Loup ; il m'est mort un mien frère ;
Allons prendre sa peau, tu t'en revêtiras.
Il vint, et le Loup dit : Voici comme il faut faire
Si tu veux écarter les Mâtins du Troupeau.
Le Renard, ayant mis la peau,
Répétait les leçons que lui donnait son maître.
D'abord il s'y prit mal, puis un peu mieux, puis bien,
Puis enfin il n'y manqua rien.
A peine il fut instruit autant qu'il pouvait l'être,
Qu'un Troupeau s'approcha. Le nouveau Loup y court
Et répand la terreur dans les lieux d'alentour.
Tel (2) vêtu des armes d'Achille,
Patrocle mit l'alarme au camp et dans la ville :
Mères, brus et vieillards au temple couraient tous.
L'ost (3) au Peuple bêlant crut voir cinquante Loups.
Chien, Berger, et Troupeau, tout fuit vers le village,
Et laisse seulement une Brebis pour gage.
Le larron s'en saisit. A quelque pas de là
Il entendit chanter un Coq du voisinage.
Le Disciple aussitôt droit au Coq s'en alla,
Jetant bas sa robe de classe, (4)
Oubliant les Brebis, les leçons, le Régent,
Et courant d'un pas diligent.
Que sert-il qu'on se contrefasse ?
Prétendre ainsi changer est une illusion :
L'on reprend sa première trace
A la première occasion.
De votre esprit, que nul autre n'égale,
Prince, ma Muse tient tout entier ce projet :
Vous m'avez donné le sujet.


Il existe une autre fable Le Loup et le Renard (XI,6)

Pour en trouver la source, il faut en lire la fin !
C'est là que L.F. "se reconnait redevable
de son sujet au duc de Bourgogne"
(J.P. Collinet, La Pléiade)
En effet, celui-ci a eu à développer ce thème pour
une rédaction latine, proposée par son précepteur
Fénelon, mais on ne sait où ce dernier en avait pris le sujet. (L.F. n'a pas utilisé les détails puérils qui
figurent dans la partie conservée du document.)
L'affirmation semble exagérée car les deux textes
n'ont pas grand chose de commun.

La première partie : 6 strophes en octosyllabes
est encore une épître au jeune duc.
La fable elle-même montre que chacun est insatisfait
de son sort mais qu'on ne peut chasser le naturel.


(1) strophe imitée d'Horace (Satires, L.I)
(2) allusion à Homère (Iliade)
(3) le troupeau
(4) sa robe d'apprentissage du métier
(5) se reporter à l'introduction
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Message par crodan00 Jeu 25 Fév - 5:35

LE LOUP ET LES BERGERS


Jean de la Fontaine - Page 4 Loupet10

Un Loup rempli d'humanité
(S'il en est de tels dans le monde)
Fit un jour sur sa cruauté,
Quoiqu'il ne l'exerçât que par nécessité,
Une réflexion profonde.
Je suis haï, dit-il, et de qui ? De chacun.
Le Loup est l'ennemi commun :
Chiens, chasseurs, villageois, s'assemblent pour sa perte.
Jupiter est là-haut étourdi de leurs cris ;
C'est par là que de loups l'Angleterre est déserte : (1)
On y mit notre tête à prix.
Il n'est hobereau (2) qui ne fasse
Contre nous tels bans (3) publier ;
Il n'est marmot osant crier
Que du Loup aussitôt sa mère ne menace.
Le tout pour un Âne rogneux, (4)
Pour un Mouton pourri (5), pour quelque Chien hargneux,
Dont j'aurai passé mon envie.
Et bien, ne mangeons plus de chose ayant eu vie ;
Paissons l'herbe, broutons ; mourons de faim plutôt.
Est-ce une chose si cruelle ?
Vaut-il mieux s'attirer la haine universelle ?
Disant ces mots il vit des Bergers pour leur rôt
Mangeants un agneau cuit en broche.
Oh, oh, dit-il, je me reproche
Le sang de cette gent. Voilà ses Gardiens
S'en repaissants eux et leurs Chiens ;
Et moi, Loup, j'en ferai scrupule ?
Non, par tous les Dieux. Non. Je serais ridicule.
Thibaut l'Agnelet passera (6)
Sans qu'à la broche je le mette ;
Et non seulement lui, mais la mère qu'il tette,
Et le père qui l'engendra.
Ce Loup avait raison. Est-il dit qu'on nous voie
Faire festin de toute proie,
Manger les animaux, et nous les réduirons
Aux mets de l'âge d'or autant que nous pourrons ?
Ils n'auront ni croc (7) ni marmite ?
Bergers, bergers, le loup n'a tort
Que quand il n'est pas le plus fort :
Voulez-vous qu'il vive en ermite ?


Sources : Apologue d'Esope, rapporté par Plutarque (Le Banquet des Sept Sages, par. 13), qui rapporte les réflexions d'un loup voyant des bergers mangeant un mouton "Quel bruit vous mèneriez si je faisais ce que vous faites". Cette situation se trouve également dans Abstémius (Nevelet). La Fontaine en fait un développement très personnel.

(1) Les loups d'Angleterre avaient été massacrés au Xe siècle, les princes gallois ayant exigé trois cents têtes de loup pour tribut, au lieu d'argent...
(2) Petit gentilhomme campagnard
(3) Publications de bannissement
(4) Galeux
(5) "atteint du pourri", maladie spécifique des moutons.
(6) Il y passera, je le dévorerai
(7) Crochets à suspendre la viande
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Message par crodan00 Ven 26 Fév - 5:28

Voici la première de deux fables jumelées, procédé
déja rencontré dans : "La Mort et le Malheureux,
La Mort et le Bûcheron", entre autres.
Elle trouve sa source de l'Anonyme de Nevelet (II, 10).On y reconnaît l'expression de la protection maternelle sécurisante...

Le Loup, la ChEvre et le Chevreau
La bique allant remplir sa traînante mamelle,
Et paître l'herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet:
«Gardez-vous, sur votre vie,
D'ouvrir que l'on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet (1) :
«Foin (2) du loup et de sa race!"»
Comme elle disait ces mots,
Le loup de fortune (3) passe;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La bique, comme on peut croire,
N'avait pas vu le glouton.
Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton,
Et d'une voix papelarde (4)
Il demande qu'on ouvre en disant: « Foin du loup!»
Et croyant entrer tout d'un coup.
Le biquet soupçonneux par la fente regarde:
«Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point,»
S'écria-t-il d'abord. (Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage,
Comme il était venu s'en retourna chez soi.
Où serait le biquet s'il eût ajouté foi
Au mot du guet, que de fortune
Notre loup avait entendu?

Deux sûretés valent mieux qu'une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.

(1) pour signe de reconnaissance et mot de passe
(2) marque au 17ème, le dépit, l'agacement, la
répulsion.
(3) par hasard
(4) hypocrite






La seconde fable trouve sa source d'Esope "Le loup et la vieille" (recueil Nevelet).
Le lien entre les deux fables est certainement l'attitude du loup trop avide, qui ne réussit pas dans son entreprise.



LE LOUP, LA MERE ET L'ENFANT
Ce Loup me remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris
Il y périt; voici l’histoire.
Un Villageois avait à l’écart son logis.
Messer Loup attendait chape-chute (1) à la porte.
"Il avait vu sortir gibier de toute sorte
Veaux de lait, Agneaux et Brebis,
Régiments de Dindons, enfin bonne provende (2).
Le Larron commençait pourtant às’ennuyer.
Il entend un Enfant crier.
La Mèreaussitôt le gourmande,
Le menace, s’il ne se tait,
De le donner au Loup. L’Animal se tient prêt,
Remerciant les Dieux d’une telle aventure,
Quand la Mère, apaisant sa chère Géniture,
Lui dit : Ne criez point; s’il vient, nous le tuerons.
Qu’est ceci? s’écria le mangeur de Moutons.
Dire d’un, puis d’un autre? Est-ce ainsi que l’on traite
Les gens faits comme moi? Me prend-on pour un sot?
Que quelque jour ce beau Marmot
Vienne au bois cueillir la noisette!
Comme il disait ces mots, on sort de la maison.
Un Chien de cour l’arrête. Epieux et fourches-fières (3) L’ajustent (4)de toutes manières.
Que veniez-vous chercher en ce lieu? lui dit-on.
Aussitôt il conta l’affaire.
Merci de moi, lui dit la Mère,
Tu mangeras mon Fils! L’ai-je fait à dessein
Qu’il assouvisse un jour ta faim?
On assomma la pauvre Bête.
Un Manant lui coupa le pied droit et la tête
Le Seigneur du village à sa porte les mit,
Et ce dicton picard à l’entour fut écrit
Biaux chires Leups, n ‘écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie. (5)

(1) bonne aubaine
(2) provisions, nourriture
(3) fourche ou croc à long manche et à dents de fer
(4) le tiennent en respect
(5) "Beaux sires loups, n'écoutez pas une mère tançant son fils qui crie.


Jean de la Fontaine - Page 4 Rabier10
Jean de la Fontaine - Page 4 Rabier11
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Message par crodan00 Lun 1 Mar - 6:29

LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD PAR -DEVANT LE SINGE (*)


Jean de la Fontaine - Page 4 Loupla10

.....Un Loup disait que l'on l'avait volé :
Un Renard, son voisin, d'assez mauvaise vie,
Pour ce prétendu vol par lui fut appelé (1).
Devant le Singe il fut plaidé,
Non point par avocats, mais par chaque partie.
Thémis (2) n'avait point travaillé,
De mémoire de Singe, à fait plus embrouillé.
Le Magistrat suait en son lit de Justice (3).
Après qu'on eut bien contesté,
Répliqué, crié, tempêté,
Le Juge, instruit de leur malice (4),
Leur dit : Je vous connais de longtemps, mes amis ;
Et tous deux vous paierez l'amende :
Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris ;
Et toi, Renard, as pris ce que l'on te demande.
Le Juge prétendait qu'à tort et à travers
On ne saurait manquer condamnant un pervers.


(*) Source : Phèdre, livre I,10, ( Névelet et Sacy) d'après une courte fable d'Ésope.
Chez Sacy, on lit cette morale : "On ne croit point le menteur, lors même qu'il dit vrai"

(1) appeler : citer en jugement (Furetière)
(2) déesse de la justice
(3) au sens propre, c'est une séance du Parlement qui se tient en présence du roi
(4) méchanceté
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Message par crodan00 Mar 2 Mar - 4:12

LES LOUPS ET LES BREBIS (*)


Jean de la Fontaine - Page 4 Loubre10

Après mille ans et plus de guerre déclarée,
Les Loups firent la paix avecque les Brebis.
C'était apparemment le bien des deux partis :
Car, si les Loups mangeaient mainte bête égarée,
Les Bergers de leur peau se faisaient maints habits.
Jamais de liberté, ni pour les pâturages,
Ni d'autre part pour les carnages :
Ils ne pouvaient jouir, qu'en tremblant, de leurs biens.
La paix se conclut donc ; on donne des otages :
Les Loups, leurs Louveteaux ; et les Brebis leurs Chiens.
L'échange en étant fait aux formes ordinaires,
Et réglé par des Commissaires (1),
Au bout de quelque temps que Messieurs les Louvats (2)
Se virent Loups parfaits et friands de tuerie (3),
Ils vous prennent le temps (4) que dans la bergerie
Messieurs les Bergers n'étaient pas,
Étranglent la moitié des Agneaux les plus gras,
Les emportent aux dents, dans les bois se retirent.
Ils avaient averti leurs gens secrètement.
Les Chiens, qui sur leur foi, reposaient sûrement,
Furent étranglés en dormant :
Cela fut sitôt fait qu'à peine ils le sentirent.
Tout fut mis en morceaux ; un seul n'en échappa.
Nous pouvons conclure de là
Qu'il faut faire aux méchants guerre continuelle.
La paix est fort bonne de soi (5) :
J'en conviens ; mais de quoi (6) sert-elle
Avec des ennemis sans foi ?


Dans la fable qui suit, La Fontaine donne son avis
La paix est fort bonne de soi ? mais elle reste fragile et peu durable.
On peut trouver ici une allusion à la politique de Louis XIV resté vigilant. Les expéditions dans les Flandres et en Franche-Comté peuvent être évoquées ici.

(*) A l'origine se trouve l'apologue d'Ésope recueilli
dans Névelet : "Le loup et les moutons". D'autres
versions : celle de l'Anonyme, celle d'Aphtonius
se trouvent aussi dans le recueil Nevelet.


(1) Nous voici chez les humains; le traité de paix a des
contrôleurs.
(2) les louveteaux
(3) les loups deviennent adultes et aiment tuer
(4) ils choisissent le temps où...
(5) en soi
(6) en quoi
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Message par crodan00 Mer 3 Mar - 6:26

LE MAL MARIE


Jean de la Fontaine - Page 4 Malmar10

Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai femme ;
Mais comme le divorce entre eux n'est pas nouveau,
Et que peu de beaux corps hôtes d'une belle âme
Assemblent l'un et l'autre point,
Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
J'ai vu beaucoup d'Hymens, aucuns d'eux ne me tentent :
Cependant des humains presque les quatre parts
S'exposent hardiment au plus grand des hasards (1) ;
Les quatre parts aussi des humains se repentent.
J'en vais alléguer un (2) qui, s'étant repenti,
Ne put trouver d'autre parti,
Que de renvoyer son Epouse
Querelleuse, avare, et jalouse.
Rien ne la contentait, rien n'était comme il faut :
On se levait trop tard, on se couchait trop tôt,
Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose ;
Les Valets enrageaient, l'Epoux était à bout ;
Monsieur ne songe à rien, Monsieur dépense tout,
Monsieur court, Monsieur se repose.
Elle en dit tant, que Monsieur, à la fin,
Lassé d'entendre un tel lutin,
Vous la renvoie à la campagne
Chez ses parents. La voilà donc compagne
De certaines Philis (3) qui gardent les dindons
Avec les gardeurs de cochons.
Au bout de quelque temps, qu'on la crut adoucie,
Le Mari la reprend. Eh bien ! qu'avez-vous fait ?
Comment passiez-vous votre vie ?
L'innocence des champs est-elle votre fait ?
Assez, dit-elle ; mais ma peine
Etait de voir les gens plus paresseux qu'ici ;
Ils n'ont des troupeaux nul souci.
Je leur savais bien dire, et m'attirais la haine
De tous ces gens si peu soigneux.
Eh, madame, reprit son époux tout à l'heure,
Si votre esprit est si hargneux
Que le monde qui ne demeure
Qu'un moment avec vous, et ne revient qu'au soir,
Est déjà lassé de vous voir,
Que feront des Valets qui toute la journée
Vous verront contre eux déchaînée ?
Et que pourra faire un Epoux
Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous ?
Retournez au village : adieu. Si de ma vie
Je vous rappelle et qu'il m'en prenne envie,
Puissé-je chez les morts avoir pour mes péchés
Deux femmes comme vous sans cesse à mes côtés



Source : Esope :Le mari et la femme acariâtre

(1) risques, dangers
(2) je vais citer comme preuve, un des humains...
(3) nom de la pastorale ou de la poésir galante. Le burlesque est provoqué par le voisinage du nom cochons
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Message par crodan00 Ven 5 Mar - 9:51

LE MARCHAND, LE GENTILHOMME,
LE PÂTRE, ET LE FILS DE ROI


Jean de la Fontaine - Page 4 Marchg10

Quatre chercheurs de nouveaux mondes,
Presque nus échappés à la fureur des ondes,
Un Trafiquant, un Noble, un Pâtre (1), un Fils de Roi,
Réduits au sort de Bélisaire, (2)
Demandaient aux passants de quoi
Pouvoir soulager leur misère.
De raconter quel sort les avait assemblés,
Quoique sous divers points (3) tous quatre ils fussent nés,
C'est (4) un récit de longue haleine.
Ils s'assirent enfin au bord d'une fontaine.
Là le conseil se tint entre les pauvres gens.
Le Prince s'étendit sur le malheur des Grands.
Le Pâtre fut d'avis qu'éloignant la pensée
De leur aventure (5) passée,
Chacun fit de son mieux et s'appliquât au soin
De pourvoir au commun besoin.
La plainte, ajouta-t-il, guérit-elle son homme ?
Travaillons ; c'est de quoi nous mener jusqu'à Rome.
Un Pâtre ainsi parler ! Ainsi parler ; croit-on
Que le Ciel n'ait donné qu'aux têtes couronnées
De l'esprit et de la raison,
Et que de tout berger, comme de tout mouton,
Les connaissances soient bornées ?
L'avis de celui-ci fut d'abord trouvé bon
Par les trois échoués au bord de l'Amérique.
L'un ? c'était le Marchand, savait l'arithmétique :
À tant par mois, dit-il, j'en donnerai leçon.
J'enseignerai la politique,
Reprit le Fils de roi. Le Noble poursuivit :
Moi, je sais le blason ; j'en veux tenir école :
Comme si devers l'Inde, on eût eu dans l'esprit
La sotte vanité de ce jargon frivole.
Le Pâtre dit : Amis, vous parlez bien ; mais quoi,
Le mois a trente jours ; jusqu'à cette échéance
Jeûnerons-nous, par votre foi (6) ?
Vous me donnez une espérance
Belle, mais éloignée ; et cependant (7) j'ai faim.
Qui pourvoira de nous au dîner de demain ?
Ou plutôt sur quelle assurance
Fondez-vous, dites-moi, le souper d'aujourd'hui ?
Avant tout autre, c'est celui
Dont il s'agit : votre science
Est courte là-dessus ; ma main y suppléera.
À ces mots, le Pâtre s'en va
Dans un bois : il y fit des fagots dont la vent,
Pendant cette journée et pendant la suivante,
Empêcha qu'un long jeûne à la fin ne fit tant
Qu'ils allassent là-bas (Cool exercer leur talent.
Je conclus de cette aventure
Qu'il ne faut pas tant d'art pour conserver ses jours
Et grâce aux dons de la nature,
La main est le plus sûr et le plus prompt secours



Sources : Le Specimen sapientiae Indorum veterum du père Poussines publié à Rome en 1666, (d’après Le Livre de Calila et Dimna, issu des milieux brahmaniques de l’Inde (années 300 de notre ère) connu sous une recension nommée Panchatantra, circulant ensuite en Iran , puis finalement traduit en arabe vers le milieu du VIIIe siècle par Ibn al-Muqaffa.)

(1) Paysan qui mène paître toutes sortes de bêtes (à la différence du berger qui ne s’ocupe que des moutons)
(2) Bélisaire était un grand capitaine, qui ayant commandé les armées de l’empereur (*) et perdu les bonnes grâces de son maître, tomba dans un tel point de misère, qu’il demandait l’aumône sur les grands chemins (note de La Fontaine).
(*) l’empereur byzantin Justinien (7e siècle)
(3) point : en astronomie : degré ascendant sur l’horizon à la naissance de quelqu’un, (dict. de Furetière)
(4) ce serait
(5) leur malheur
(6) en toute franchise
(7) en attendant
(Cool dans le monde des défunts
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Message par crodan00 Lun 8 Mar - 5:25

Le Mari, la Femme, et le Voleur


Jean de la Fontaine - Page 4 Marifa10
Un Mari fort amoureux,
Fort amoureux de sa Femme,
Bien qu'il fût jouissant (1) , se croyait malheureux.
Jamais œillade de la Dame,
Propos flatteur et gracieux,
Mot d'amitié, ni doux sourire,
Déifiant (2) le pauvre Sire,
N'avaient fait soupçonner qu'il fût vraiment chéri.
Je le crois, c'était un mari.
Il ne tint point à l'hyménée
Que content de sa destinée
Il n'en remerciât les Dieux ;
Mais quoi ? Si l'amour n'assaisonne
Les plaisirs que l'hymen nous donne,
Je ne vois pas qu'on en soit mieux.
Notre épouse étant donc de la sorte bâtie,
Et n'ayant caressé son Mari de sa vie,
Il en faisait sa plainte une nuit. Un Voleur
Interrompit la doléance.
La pauvre femme eut si grand'peur
Qu'elle chercha quelque assurance
Entre les bras de son Époux.
Ami Voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux
Me serait inconnu. Prends donc en récompense
Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance (3) ;
Prends le logis aussi. Les voleurs ne sont pas
Gens honteux, ni fort délicats :
Celui-ci fit sa main. J'infère de ce conte
Que la plus forte passion
C'est la peur : elle fait vaincre l'aversion,
Et l'amour quelquefois ; quelquefois il la dompte ;
J'en ai pour preuve cet amant (4)
Qui brûla sa maison pour embrasser sa Dame,
L'emportant à travers la flamme.
J'aime assez cet emportement ;
Le conte m'en a plu toujours infiniment :
Il est bien d'une âme Espagnole,
Et plus grande encore que folle.


Sources : Pilpay Le Livre des lumières (p; 259-260) ; Camerarius (fable 387) Le vieillard et sa toute jeune femme. Dans ces 2 cas, les défauts du mari sont à l'origine de l'indifférene de la jeune femme

(1) Bien qu'il Jouît des droits du mariage
(2) le faisant égal aux dieux
(3) tout ce qui te convient
(4) Le comte de Villa Mediana provoqua un incendie pour prendre la reine d'Espagne dans ses bras (Historiettes, Tallemant des Réaux)
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Message par crodan00 Mar 9 Mar - 6:18

Ménénius Agrippa, en 494 av. JC, conte cette fable à la plèbe (classe sociale la moins élevée) qui a fait sécession (Tite-Live Histoire romaine II, 32) et la décide à faire la paix avec la classe sociale la plus élevée (les patriciens).
L' "insigne entre les fables" se rencontre assez souvent.
L.F. lui donne un sens politique et décrit la monarchie comme elle fonctionne à son époque.



LES MEMBRES ET L'ESTOMAC (*)


Jean de la Fontaine - Page 4 Les-me10

Je devais par la royauté
Avoir commencé mon ouvrage :
À la voir d'un certain côté,
Messer Gaster** (1) en est l'image.
S'il a quelque besoin, tout le corps s'en ressent.
De travailler pour lui les Membres se lassant,
Chacun d'eux résolut de vivre en gentilhomme,
Sans rien faire, alléguant l'exemple de Gaster.
Il faudrait, disaient-ils, sans nous, qu'il vécût d'air.
Nous suons, nous peinons, comme bêtes de somme ;
Et pour qui ? Pour lui seul, nous n'en (2) profitons pas ;
Notre soin n'aboutit qu'à fournir ses repas.
Chommons, c'est un métier (3) qu'il veut nous faire apprendre.
Ainsi dit, ainsi fait. Les Mains cessent de prendre,
Les Bras d'agir, les Jambes de marcher.
Tous dirent à Gaster qu'il en (4) allât chercher.
Ce leur fut une erreur dont ils se repentirent.
Bientôt les pauvres gens tombèrent en langueur ;
Il ne se forma plus de nouveau sang au coeur :
Chaque Membre en souffrit : les forces se perdirent ;
Par ce moyen, les Mutins virent
Que celui qu'ils croyaient oisif et paresseux,
A l'intérêt commun contribuait plus qu'eux.
Ceci peut s'appliquer à la grandeur royale :
Elle reçoit et donne, et la chose est égale.
Tout travaille pour elle, et réciproquement
Tout tire d'elle l'aliment.
Elle fait subsister l'Artisan de ses peines,
Enrichit le Marchand, gage le Magistrat,
Maintient (5) le Laboureur, donne paye au Soldat,
Distribue en cent lieues ses grâces souveraines ;
Entretient seule tout l'Etat.
Ménénius le sut bien dire.
La Commune (6) s'allait séparer du Sénat :
Les mécontents disaient qu'il avait tout l'empire,
Le pouvoir, les trésors, l'honneur, la dignité ;
Au lieu que tout le mal était de leur côté,
Les tributs, les impôts, les fatigues de guerre.
Le peuple hors des murs était déjà posté.
La plupart s'en allaient chercher une autre terre,
Quand Ménénius leur fit voir
Qu'ils étaient aux Membres semblables,
Et par cet apologue, insigne entre les fables,
Les ramena dans leur devoir. (7)


(*) Source : Esope. L'apologue est l'un des plus connus
dans le monde antique (note de début)
** L'Estomach (note de La Fontaine)

(1) l'expression vient de Rabelais (Quart Livre chap. 57)
(2) nous ne profitons ni de cette sueur ni de cette peine
(3) (chômons) chômage est métier ! antithèse comique de L.F.
(4) de la nourriture
(5) maintenir : donner secours et protection
(6) la plèbe
(7) ainsi se rétablit la paix...comme cela est annoncé en introduction
...La boucle est fermée !
crodan00
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Message par crodan00 Mer 10 Mar - 5:32

LE MEUNIER, SON FILS ET L'ÂNE


Jean de la Fontaine - Page 4 Meunfi10


L'invention des arts étant un droit d'aînesse,
Nous devons l'apologue à l'ancienne Grèce.
Mais ce champ ne se peut tellement moissonner
Que les derniers venus n'y trouvent à glaner.
La Feinte (1) est un pays plein de terres désertes :
Tous les jours nos auteurs y font des découvertes.
Je t'en veux dire un trait assez bien inventé.
Autrefois à Racan Malherbe l'a conté.
Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre,
Disciples d'Apollon, nos maîtres, pour mieux dire,
Se rencontrant un jour tout seuls et sans témoins
(Comme ils se confiaient leurs pensers et leurs soins (2)),
Racan commence ainsi : Dites-moi, je vous prie,
Vous qui devez savoir les choses de la vie,
Qui par tous ces degrés avez déjà passé,
Et que rien ne doit fuir (3) en cet âge avancé,
A quoi me résoudrai-je? Il est temps que j'y pense.
Vous connaissez mon bien, mon talent, ma naissance :
Dois-je dans la province établir mon séjour,
Prendre emploi dans l'armée, ou bien charge à la Cour ?
Tout au monde est mêlé d'amertume et de charmes :
La guerre a ses douceurs, l'hymen a ses alarmes.
Si je suivais mon goût, je saurais où buter (4),
Mais j'ai les miens, la Cour, le peuple, à contenter.
Malherbe là-dessus : Contenter tout le monde !
Ecoutez ce récit avant que je réponde.

J'ai lu dans quelque endroit qu'un Meunier et son Fils
L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits,
Mais garçon de quinze ans, si j'ai bonne mémoire,
Allaient vendre leur Âne un certain jour de foire.
Afin qu'il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on vous le suspendit ;
Puis cet Homme et son Fils le portent comme un lustre ;
Pauvres gens, idiots, couple ignorant et rustre.
Le premier qui les vit de rire s'éclata.
Quelle farce (5), dit-il, vont jouer ces gens-là ?
Le plus Âne des trois n'est pas celui qu'on pense.
Le Meunier, à ces mots, connaît son ignorance.
Il met sur pied sa Bête, et la fait détaler.
L'Âne, qui goûtait fort l'autre façon d'aller,
Se plaint en son patois. Le Meunier n'en a cure;
Il fait monter son Fils, il suit : et, d'aventure
Passent trois bons Marchands. Cet objet leur déplut.
Le plus vieux au Garçon s'écria tant qu'il put :
Oh là oh, descendez, que l'on ne vous le dise (6),
Jeune homme qui menez Laquais à barbe grise ;
C'était à vous de suivre, au Vieillard de monter.
Messieurs, dit le Meunier, il vous faut contenter.
L'enfant met pied à terre, et puis le Vieillard monte,
Quand, trois filles passant, l'une dit : C'est grand honte
Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils,
Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis,
Fait le veau sur son Âne et pense être bien sage.
Il n'est, dit le Meunier, plus de veaux à mon âge.
Passez votre chemin, la Fille, et m'en croyez.
Après maints quolibets coup sur coup renvoyés,
L'Homme crut avoir tort et mit son Fils en croupe.
Au bout de trente pas, une troisième troupe
Trouve encore à gloser (7). L'un dit : Ces gens sont fous!
Le Baudet n'en peut plus, il mourra sous leurs coups.
Hé quoi, charger ainsi cette pauvre Bourrique !
N'ont-ils point de pitié de leur vieux domestique ?
Sans doute qu'à la foire ils vont vendre sa peau.
Parbieu, dit le Meunier, est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Essayons toutefois, si par quelque manière
Nous en viendrons à bout. Ils descendent tous deux.
L'Âne, se prélassant (Cool, marche seul devant eux.
Un Quidam les rencontre, et dit : Est-ce la mode
Que Baudet aille à l'aise et Meunier s'incommode ?
Qui de l'Âne ou du Maître est fait pour se lasser ?
Je conseille à ces Gens de le faire enchâsser (9).
Ils usent leurs souliers et conservent leur Âne :
Nicolas au rebours ; car quand il va voir Jeanne,
Il monte sur sa bête ; et la chanson le dit. (10)
Beau trio de Baudets! Le Meunier repartit :
Je suis Âne, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue ;
Mais que dorénavant on me blâme, on me loue ;
Qu'on dise quelque chose ou qu'on ne dise rien,
J'en veux faire à ma tête. Il le fit, et fit bien.

Quant à vous, suivez Mars, ou l'Amour, ou le Prince ;
Allez, venez, courez ; demeurez en province ;
Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement :
Les gens en parleront, n'en doutez nullement.(11)


(1) fiction
(2) souci
(3) à qui rien ne doit échapper
(4) viser un but
(5) petite pièce de théâtre
(6) avant qu'on ne vous le dise
(7) critiquer
(Cool marchant comme un prélat, lentement
(9) le garder dans une châsse, comme une relique
(10) chanson populaire dont les héros sont Jeanne et Nicolas
(11) s'applique à tous les indécis...
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Message par crodan00 Jeu 11 Mar - 6:53

LE MILAN ET LE ROSSIGNOL


Jean de la Fontaine - Page 4 Milros10
Après que le Milan, manifeste voleur,
Eut répandu l'alarme en tout le voisinage
Et fait crier sur lui les enfants du village,
Un Rossignol tomba dans ses mains, par malheur.
Le héraut du printemps lui demande la vie :
Aussi bien que manger en qui n'a que le son ?
Ecoutez plutôt ma chanson ;
Je vous raconterai Térée (1) et son envie.
Qui, Térée ? est-ce un mets propre(3) pour les Milans ?
Non pas, c'était un Roi dont les feux violents
Me firent ressentir leur ardeur criminelle (2) :
Je m'en vais vous en dire une chanson si belle
Qu'elle vous ravira : mon chant plaît à chacun.
Le Milan alors lui réplique :
Vraiment, nous voici bien : lorsque je suis à jeun,
Tu me viens parler de musique.
J'en parle bien aux Rois. Quand un roi te prendra,
Tu peux lui conter ces merveilles.
Pour un Milan, il s'en rira :
Ventre affamé n'a point d'oreilles.(4)


La source la plus ancienne de la fable se trouve chez Hésiode ( Les Travaux et les Jours). Nevelet reproduit plusieurs versions de ce récit, entre autres celui d'Abstemius...

(1) Térée était roi de Thrace
(2) On retrouve ici une allusion au texte d'Ovide (Métamorphoses, livre VI) : Progné (ou Procné) avait reçu de son père Pandion le valeureux Térée comme époux. Celui-ci viola Philomèle, soeur de Progné (ce que La Fontaine évoque ici en écrivant : Je vous raconterai Térée et son envie), et lui coupa la langue pour la faire taire. Elle réussit à avertir Progné en brodant son histoire sur une tapisserie. Progné fit manger à Térée son propre fils Itys pour se venger. Les dieux sauvèrent les deux soeurs de la vengeance de Térée en métamorphosant Progné en rossignol et Philomèle en hirondelle. Térée fut transformé en huppe.
(3) convenable
(4) proverbe ancien qui remonte à l'Antiquité et se retrouve chez Rabelais : L'estomac affamé n'a point d'oreilles, il n'ouït goutte (Rabelais, Quart Livre, chap. 63)


Jean de la Fontaine - Page 4 Milanr10

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Message par crodan00 Ven 12 Mar - 6:22

LE MILAN, LE ROI ET LE CHASSEUR


Jean de la Fontaine - Page 4 Milanr12

Comme les Dieux sont bons, ils veulent que les Rois
Le soient aussi : c'est l'indulgence
Qui fait le plus beau de leurs droits,
Non les douceurs de la vengeance :
Prince, c'est votre avis. On sait que le courroux
S'éteint en votre coeur sitôt qu'on l'y voit naître.
Achille qui du sien ne put se rendre maître (1),
Fut par là moins Héros que vous.
Ce titre n'appartient qu'à ceux d'entre les hommes
Qui comme en l'âge d'or font cent biens ici-bas.
Peu de Grands sont nés tels en cet âge où nous sommes :
L'univers leur sait gré du mal qu'ils ne font pas (2).
Loin que vous suiviez ces exemples,
Mille actes généreux vous promettent des temples.
Apollon citoyen de ces augustes lieux
Prétend y célébrer votre nom sur sa lyre.
Je sais qu'on vous attend dans le palais des Dieux (3) :
Un siècle de séjour doit ici vous suffire.
Hymen veut séjourner tout un siècle chez vous (4).
Puissent ses plaisirs les plus doux
Vous composer les destinées
Par ce temps à peine bornées !
Et la Princesse et vous n'en méritez pas moins.
J'en prends ses charmes pour témoins ;
Pour témoins j'en prends les merveilles
Par qui le Ciel, pour vous prodigue en ses présents,
De qualités qui n'ont qu'en vous seuls leurs pareilles
Voulut orner vos jeunes ans.
Bourbon de son esprit ces grâces assaisonne.
Le Ciel joignit en sa personne
Ce qui sait se faire estimer
A ce qui sait se faire aimer:
Il ne m'appartient pas d'étaler votre joie ;
Je me tais donc, et vais rimer
Ce que fit un oiseau de proie.
Un Milan, de son nid antique possesseur,
Etant pris vif par un Chasseur,
D'en faire au Prince un don cet homme se propose.
La rareté du fait donnait prix à la chose.
L'Oiseau, par le Chasseur humblement présenté,
Si ce conte n'est apocryphe,
Va tout droit imprimer sa griffe
Sur le nez de Sa Majesté.
Quoi! sur le nez du Roi ? Du Roi même en personne.
Il n'avait donc alors ni sceptre ni couronne ?
Quand il en aurait eu, ç'aurait été tout un :
Le nez royal fut pris comme un nez du commun.
Dire des Courtisans les clameurs et la peine
Serait se consumer en efforts impuissants.
Le Roi n'éclata point ; les cris sont indécents
À la Majesté souveraine.
L'Oiseau garda son poste. On ne put seulement
Hâter son départ d'un moment.
Son Maître le rappelle, et crie, et se tourmente,
Lui présente le leurre (5), et le poing(6) ; mais en vain.
On crut que jusqu'au lendemain
Le maudit animal à la serre insolente
Nicherait là malgré le bruit,
Et sur le nez sacré voudrait passer la nuit.
Tâcher de l'en tirer irritait son caprice.
Il quitte enfin le roi qui dit : Laissez aller
Ce Milan et celui qui m'a cru régaler (7).
Ils se sont acquittés tous deux de leur office,
L'un en Milan, et l'autre en Citoyen des bois :
Pour moi, qui sais comment doivent agir les Rois,
Je les affranchis du supplice.
Et la cour d'admirer. Les Courtisans ravis
Elèvent de tels faits, par eux si mal suivis :
Bien peu, même des Rois, prendraient un tel modèle ;
Et le Veneur l'échappa belle,
Coupable seulement, tant lui que l'animal,
D'ignorer le danger d'approcher trop du maître.
Ils n'avaient appris à connaître
Que les hôtes des bois : était-ce un si grand mal ?
Pilpay fait du Gange arriver l'aventure :
Là, nulle humaine créature
Ne touche aux animaux pour leur sang épancher.
Le roi même ferait scrupule d'y toucher.
Savons-nous, disent-ils, si cet oiseau de proie
N'était point au siège de Troie (Cool?
Peut-être y tint-il lieu d'un prince ou d'un héros
Des plus huppés et des plus hauts.
Ce qu'il fut autrefois il pourra l'être encore.
Nous croyons, après Pythagore,
Qu'avec les animaux de forme nous changeons,
Tantôt milans, tantôt pigeons,
Tantôt humains, puis volatilles,
Ayant dans les airs leurs familles.
Comme l'on conte en deux façons
L'accident du Chasseur, voici l'autre manière.
Un certain Fauconnier, ayant pris, ce dit-on,
A la chasse un Milan (ce qui n'arrive guère),
En voulut au Roi faire un don,
Comme de chose singulière.
Ce cas n'arrive pas quelquefois en cent ans.
C'est le "non plus ultra" (9) de la fauconnerie.
Ce Chasseur perce donc un gros(10) de Courtisans,
Plein de zèle, échauffé, s'il le fut de sa vie.
Par ce parangon (11) des présents
Il croyait sa fortune faite,
Quand l'Animal porte-sonnette (12),
Sauvage encore, et tout grossier,
Avec ses ongles tout d'acier,
Prend le nez du Chasseur, happe le pauvre sire :
Lui de crier ; chacun de rire.
Monarque et Courtisans. Qui n'eût ri? Quant à moi,
Je n'en eusse quitté ma part pour un empire.
Qu'un pape rie, en bonne foi,
Je ne l'ose assurer, mais je tiendrais un roi
Bien malheureux, s'il n'osait rire :
C'est le plaisir des Dieux. Malgré son noir sourci,
Jupiter et le Peuple Immortel rit aussi.
Il en fit des éclats, à ce que dit l'Histoire,
Quand Vulcain, clopinant, lui vint donner à boire (13).
Que le Peuple Immortel se montrât sage ou non,
J'ai changé mon sujet avec juste raison ;
Car, puisqu'il s'agit de morale,
Que nous eût du Chasseur l'aventure fatale
Enseigné de nouveau? L'on a vu de tout temps
Plus de sots fauconniers que de rois indulgents.



La fable suivante est certainement de la propre invention de L.F.même s'il va l'attribuer au fabuliste indien Pilpay
Il en propose 2 variantes, au dénouement opposé dans la
deuxième.
La fable est dédiée au prince de Conti, qui avait encouru la
disgrâce du roi à cause de lettres dans lesquelles il avait
eu des propos très durs pour Louis XIV, (le traitant de gentilhomme affainéanti auprès d'une vieille maîtresse) et qui avaient été interceptées (les espions de cour ont été évoqués dans la fable précédente). Le grand Condé avait obtenu la grâce du roi pour Conti, mais celui-ci n'est jamais rentré en faveur auprès de lui, la rancune était trop forte. Le choix de la clémence royale dans la fable de L.F. dédiée au prince de Conti, a donc un sens.



(1) colère d'Achille, dans l'Iliade, qui resta dans sa tente jusqu'à ce qu'il reprenne les armes pour venger la mort de son ami Patrocle
(2) Montaigne :"Les princes me font assez de bien quand ils ne me font pas de mal"
(3) apothéose après la mort
(4) allusion au mariage du prince François-Louis de Conti avec Marie-Thérèse de Bourbon, petite-fille du Grand Condé
(5) morceau de cuir rouge en forme d'oiseau, auquel on attache de quoi manger, utilisé par les fauconniers pour rappeler leurs oiseaux
(6) pour qu'il vienne s'y percher
(7) m'être agréable par son présent
(Cool allusion à la prétention de Pythagore, qui, pour accréditer son système de la métempsycose, disait qu'il se souvenait avoir été Euphorbe au siège de Troie
(9) le cas le plus rare
(10) la plus grande partie de quelque multitude
(11) modèle
(12) le faucon ainsi nommé parce qu'on lui attache des grelots aux pattes
(13) allusion au récit d'Homère
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Message par crodan00 Sam 13 Mar - 4:04

LA MONTAGNE QUI ACCOUCHE


Jean de la Fontaine - Page 4 Montac10

Une Montagne en mal d'enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun, au bruit accourant,
Crut qu'elle accoucherait, sans faute,
D'une cité plus grosse que Paris ;
Elle accoucha d'une souris.
Quand je songe à cette fable,
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable, (1)
Je me figure un auteur
Qui dit : Je chanterai la guerre
Que firent les Titans (2) au Maître du tonnerre.»
C'est promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent ?
Du vent.



Sources : Phèdre (Névelet p.441, Sacy p. 101) (même titre), mais l'apologue est proverbial dès l'Antiquité...
Tallemant des Réaux l'applique aux 12 premiers chants de La Pucelle, (auteur : Chapelain) qui déçurent tellement que les 12 suivants ne trouvèrent un éditeur que plus de 2 siècles plus tard...
Georges Couton, dans son édition des Fables, éd. Garnier précise :
Horace et Boileau ont déjà utilisé cet apologue pour
railler les grandiloquences épiques [...]
L'épopée connaissait en France, à cette époque, des échecs retentissants.


(1) ces deux caractéristiques sont celles ... de la fable.
(2)Les derniers vers sont une allusion à Ovide : Métamorphoses Livre I, 130-156, (Folio Classique, Gallimard :
Les Géants, à ce qu'on assure, voulurent conquérir le
royaume des cieux, et entassèrent pour s'élever
jusqu'aux astres montagnes sur montagnes. Alors le père tout puissant fracassa l'Olympe sous les traits de la foudre [...]"
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Message par crodan00 Lun 15 Mar - 4:16

LA MORT ET LE MOURANT


Jean de la Fontaine - Page 4 Mormou10

La mort ne surprend (1) point le sage ;
Il est toujours prêt à partir,
S'étant su (2) lui-même avertir
Du temps où l'on se doit résoudre à ce passage.
Ce temps, hélas ! embrasse tous les temps :
Qu'on le partage en jours, en heures, en moments,
Il n'en est point qu'il ne comprenne
Dans le fatal tribut (3) ; tous sont de son domaine ;
Et le premier instant où les enfants des rois
Ouvrent les yeux à la lumière,
Est celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupière.
Défendez-vous par la grandeur,
Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse,
La mort ravit tout sans pudeur
Un jour le monde entier accroîtra sa richesse.
Il n'est rien de moins ignoré,
Et puisqu'il faut que je le die,
Rien où l'on soit moins préparé.
Un Mourant qui comptait plus de cent ans de vie,
Se plaignait à la Mort que précipitamment
Elle le contraignait de partir tout à l'heure (4),
Sans qu'il eût fait son testament,
Sans l'avertir au moins. Est-il juste qu'on meure
Au pied levé ? dit-il : attendez quelque peu.
Ma femme ne veut pas que je parte sans elle ;
Il me reste à pourvoir un arrière-neveu ;
Souffrez qu'à mon logis j'ajoute encore une aile.
Que vous êtes pressante, ô Déesse cruelle !
Vieillard, lui dit la mort, je ne t'ai point surpris ;
Tu te plains sans raison de mon impatience.
Eh n'as-tu pas cent ans ? trouve-moi dans Paris
Deux mortels aussi vieux, trouve-m'en dix en France.
Je devais (5), ce dis-tu, te donner quelque avis
Qui te disposât à la chose :
J'aurais trouvé ton testament tout fait,
Ton petit-fils pourvu, ton bâtiment parfait ;
Ne te donna-t-on pas des avis quand la cause
Du marcher et du mouvement,
Quand les esprits, le sentiment,
Quand tout faillit (6) en toi ? Plus de goût, plus d'ouïe :
Toute chose pour toi semble être évanouie :
Pour toi l'astre du jour prend des soins superflus :
Tu regrettes des biens qui ne te touchent plus
Je t'ai fait voir tes camarades,
Ou morts, ou mourants, ou malades.
Qu'est-ce que tout cela, qu'un avertissement ?
Allons, vieillard, et sans réplique.
Il n'importe à la république
Que tu fasses ton testament.

La Mort avait raison. Je voudrais qu'à cet âge
On sortît de la vie ainsi que d'un banquet, (7)
Remerciant son hôte, et qu'on fît son paquet ;
Car de combien peut-on retarder le voyage ?
Tu murmures, vieillard ; vois ces jeunes mourir,
Vois-les marcher, vois-les courir
A des morts, il est vrai, glorieuses et belles,
Mais sûres cependant, et quelquefois cruelles.
J'ai beau te le crier ; mon zèle est indiscret :
Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret.

Sources :
Abstemius (humaniste latin, XVIème), fable 99, traite le sujet "Le vieillard qui voulait remettre sa mot à plus tard" (recueil Nevelet).
La Fontaine avait déjà traité le thème de la mort sous forme de fable double

(1) ne le prend pas par surprise, au dépourvu.
(2) ayant su s'avertir lui-même
(3) la contribution que l'on doit payer au Destin
(4) tout de suite
(5) j'aurais dû
(6) manque
(7) Imitation de Lucrèce. "L'ensemble des vers 51-60 est inspiré du De Natura rerum (III, 951-65)" (G. Couton, Fables, classiques Garnier p. 483)
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Message par crodan00 Mar 16 Mar - 4:39

La Mouche et la Fourmi (*)


Jean de la Fontaine - Page 4 Mouchf10
La Mouche et la Fourmi contestaient de leur prix .
Ô Jupiter ! dit la première,
Faut-il que l'amour-propre aveugle les esprits
D'une si terrible manière,
Qu'un vil et rampant Animal
A la fille de l'air ose se dire égal !
Je hante les palais, je m'assieds à ta table :
Si l'on t'immole un boeuf, j'en goûte devant toi (1);
Pendant que celle-ci chétive et misérable
Vit trois jours d'un fétu qu'elle a traîné chez soi.
Mais ma Mignonne, dites-moi,
Vous campez-vous jamais sur la tête d'un Roi,
D'un Empereur ou d'une Belle ?
Je le fais ; et je baise un beau sein quand je veux :
Je me joue entre des cheveux ;
Je rehausse d'un teint la blancheur naturelle ;
Et la dernière main que met à sa beauté
Une femme allant en conquête,
C'est un ajustement des Mouches emprunté (2).
Puis allez-moi rompre la tête
De vos greniers. Avez-vous dit (3)?
Lui répliqua la ménagère (4).
Vous hantez les palais ; mais on vous y maudit
Et quant à goûter la première
De ce qu'on sert devant les Dieux,
Croyez-vous qu'il en vaille mieux ?
Si vous entrez partout, aussi font les profanes.
Sur la tête des Rois et sur celle des Ânes
Vous allez vous planter ; je n'en disconviens pas ;
Et je sais que d'un prompt trépas
Cette importunité bien souvent est punie.
Certain ajustement, dites-vous, rend jolie.
J'en conviens : il est noir ainsi que vous et moi.
Je veux (5) qu'il ait nom Mouche : est-ce un sujet (6) pourquoi
Vous fassiez sonner vos mérites?
Nomme-t-on pas aussi Mouches les parasites ?
Cessez donc de tenir un langage si vain :
N'ayez plus ces hautes pensées.
Les mouches de cour (7) sont chassées ;
Les Mouchards (Cool sont pendus, et vous mourrez de faim,
De froid, de langueur, de misère,
Quand Phébus (9) régnera sur un autre hémisphère.
Alors je jouirai du fruit de mes travaux :
Je n'irai, par monts ni par vaux,
M'exposer au vent, à la pluie ;
Je vivrai sans mélancolie.
Le soin que j'aurai pris, de soin m'exemptera.
Je vous enseignerai par là
Ce que c'est qu'une fausse ou véritable gloire.
Adieu, je perds le temps : laissez-moi travailler;
Ni mon grenier, ni mon armoire,
Ne se remplit à babiller."


Une mouche et une fourmi discutent de leur valeur (prix, dans le texte)!
La mouche, désinvolte, libertine, est heureuse de son sort et l'affiche ouvertement dans la première partie.
En réponse, la Fourmi affiche un mode de vie dans lequel tout est mesuré, calculé, sans surprise. De plus, elle réfute les arguments de la mouche et se glorifie.
Laquelle a le plus grand mérite ? Lisez donc....

(*) Source : Phèdre IV, 25 . Avant La Fontaine, Marie de France, Haudent et d'autres avaient traité la contestation de la mouche et de la fourmi.
(1) avant toi
(2) petit morceau de velours fixé sur le visage pour faire paraître le teint plus blanc
(3) avez-vous tout dit ?
(4) économe, prudente
(5) j'admets
(6) une raison
(7) les espions de cour
(Cool les espions de guerre et les informateurs de police
(9) dieu soleil ; quand ce sera l'hiver...
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Message par crodan00 Mer 17 Mar - 6:16

LE MULET SE VANTANT DE SA GÉNÉALOGIE


Jean de la Fontaine - Page 4 Angene10

Le Mulet d'un prélat se piquait de noblesse,
Et ne parlait incessamment
Que de sa Mère la Jument,
Dont il contait mainte prouesse.
Elle avait fait ceci, puis avait été là.
Son Fils prétendait pour cela
Qu'on le dût mettre dans l'Histoire.
Il eût cru s'abaisser servant (1) un Médecin.
Étant devenu vieux on le mit au moulin.
Son Père l'Âne alors lui revint en mémoire.

Quand le malheur ne serait bon
Qu'à mettre un sot à la raison,
Toujours serait-ce à juste cause
Qu'on le dit bon à quelque chose.


Source : Ésope (La mule)

(1) S'il avait servi
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Message par crodan00 Lun 29 Mar - 3:57

LES OBSÈQUES DE LA LIONNE


Jean de la Fontaine - Page 4 Obseql10

La femme du Lion mourut :
Aussitôt chacun accourut
Pour s'acquitter envers le Prince
De certains compliments de consolation,
Qui sont surcroît d'affliction.
Il fit avertir sa Province (1)
Que les obsèques se feraient
Un tel jour, en tel lieu ; ses Prévôts (2) y seraient
Pour régler la cérémonie,
Et pour placer la compagnie.
Jugez si chacun s'y trouva.
Le Prince aux cris s'abandonna,
Et tout son antre en résonna.
Les Lions n'ont point d'autre temple.
On entendit à son exemple
Rugir en leurs patois Messieurs les Courtisans.
Je définis la cour un pays où les gens
Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents,
Sont ce qu'il plaît au Prince, ou s'ils ne peuvent l'être,
Tâchent au moins de le paraître,
Peuple caméléon, peuple singe du maître ;
On dirait qu'un esprit anime mille corps ;
C'est bien là que les gens sont de simples ressorts (4).
Pour revenir à notre affaire
Le Cerf ne pleura point, comment eût-il pu faire ?
Cette mort le vengeait ; la Reine avait jadis
Étranglé sa femme et son fils.
Bref il ne pleura point. Un flatteur l'alla dire,
Et soutint qu'il l'avait vu rire.
La colère du Roi, comme dit Salomon,
Est terrible, et surtout celle du Roi Lion :
Mais ce Cerf n'avait pas accoutumé de lire (5).
Le Monarque lui dit : Chétif hôte des bois
Tu ris, tu ne suis pas (6)ces gémissantes voix.
Nous n'appliquerons point sur tes membres profanes
Nos sacrés ongles ; venez Loups,
Vengez la Reine, immolez tous
Ce traître à ses augustes mânes.
Le Cerf reprit alors : Sire, le temps de pleurs (7)
Est passé ; la douleur est ici superflue.
Votre digne moitié couchée entre des fleurs,
Tout près d'ici m'est apparue ;
Et je l'ai d'abord reconnue.
Ami, m'a-t-elle dit, garde que ce convoi,
Quand je vais chez les Dieux, ne t'oblige à des larmes.
Aux Champs Elysiens j'ai goûté mille charmes,
Conversant (Cool avec ceux qui sont saints comme moi.
Laisse agir quelque temps le désespoir du Roi.
J'y prends plaisir. A peine on eut ouï la chose,
Qu'on se mit à crier Miracle, apothéose !
Le Cerf eut un présent, bien loin d'être puni.
Amusez les Rois par des songes,
Flattez-les, payez-les d'agréables mensonges,
Quelque indignation dont leur cœur soit rempli,
Ils goberont l'appât, vous serez leur ami.



Sources : Abstemius (Nevelet, p. 598) ; Le roi irrité contre le cerf qui se réjouissait de la mort de la lionne

(1) son Etat
(2) Grand officier dans les ordres militaires, qui a le soin de cérémonies
(3) le caméléon prend la couleur des objets auprès desquels il se trouve
(4) comme les "animaux-machines" (théorie de Descartes)
(5) n'avait pas l'habitude de lire
(6) tu n'imites pas
(7) la période des pleurs
(Cool vivant familièrement avec
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Message par crodan00 Mar 30 Mar - 3:58

L'OEIL DU MAITRE


Jean de la Fontaine - Page 4 Oeildm10

Un Cerf, s'étant sauvé dans une étable à Boeufs,
Fut d'abord averti par eux :
Qu'il cherchât un meilleur asile.
Mes frères, leur dit-il, ne me décelez pas :
Je vous enseignerai les pâtis (1) les plus gras ;
Ce service vous peut quelque jour être utile ;
Et vous n'en aurez point regret.
Les Boeufs à toutes fins promirent le secret.
Il se cache en un coin, respire, et prend courage.
Sur le soir on apporte herbe fraîche et fourrage,
Comme l'on faisait tous les jours :
L'on va, l'on vient ; les Valets font cent tours,
L'Intendant même et pas un, d'aventure (2),
N'aperçut ni corps, ni ramures,
Ni Cerf enfin. L'habitant des forêts
Rend déjà grâce aux Boeufs, attend dans cette étable
Que chacun retournant au travail de Cérès (3),
Il trouve pour sortir un moment favorable.
L'un des Boeufs ruminant lui dit : Cela va bien ;
Mais quoi l'homme aux cent yeux (4) n'a pas fait sa revue.
Je crains fort pour toi sa venue ;
Jusque-là, pauvre cerf, ne te vante de rien.
Là-dessus le Maître entre et vient faire sa ronde.
Qu'est ceci? dit-il à son monde.
Je trouve bien peu d'herbe en tous ces râteliers ;
Cette litière est vieille : allez vite aux greniers ;
Je veux voir désormais vos Bêtes mieux soignées.
Que coûte-t-il d'ôter toutes ces Araignées ?
Ne saurait-on ranger ces jougs et ces colliers ?
En regardant à tout, il voit une autre tête
Que celles qu'il voyait d'ordinaire en ce lieu.
Le Cerf est reconnu : chacun prend un épieu (5) ;
Chacun donne un coup à la Bête.
Ses larmes ne sauraient la sauver du trépas.
On l'emporte, on la sale, on en fait maint repas,
Dont maint voisin s'éjouit (6) d'être.
Phèdre, sur ce sujet, dit fort élégamment :
Il n'est, pour voir, que l'oeil du Maître.
Quant à moi, j'y mettrais encor l'oeil de l'Amant.


Cette fable "L'oeil du maître", se trouvait à la fin du livre III dans l'édition de 1668. La Fontaine l'a placée à la fin du livre IV dans l'édition de 1678. Sa source est Phèdre (II, 6). Le titre s'inspire du sous-titre de la traduction latine par Le Maître de Sacy : "L'oeil du maître est le plus clairvoyant"
"Le dernier vers de cette fable suggère plaisamment une lecture allégorique rétrospective de ce récit de vie à la ferme : l'amant y serait le maître, le cerf, le rival, le bétail, la maîtresse jalousement possédée" (M. Fumaroli, Fables, coll. La Pochothèque).

" Cette fable est un petit chef-d'oeuvre. L'intention morale en est excellente, et les plus petites circonstances s'y rapportent avec une adresse ou un bonheur infini" (Chamfort)

(1) pâturages
(2) par hasard
(3) déesse romaine des moissons ; chacun retourne aux travaux des champs.
(4) propriétaire des lieux comparé à Argus avec sa tête entourée de cent yeux qui se reposaient à tour de rôle, par groupes de deux à la fois (Ovide : les Métamorphoses (I, 606-633)
(5) arme de chasse
(6) se réjouit (terme désuet)
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Message par crodan00 Mer 31 Mar - 3:57

L 'OISEAU BLESSÉ D'UNE FLÈCHE


Jean de la Fontaine - Page 4 Oisble10

Mortellement atteint d'une flèche empennée (1),
Un Oiseau déplorait sa triste destinée,
Et disait, en souffrant un surcroît de douleur :
Faut-il contribuer à son propre malheur !
Cruels humains ! Vous tirez de nos ailes
De quoi faire voler ces machines mortelles.
Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié :
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Des enfants de Japet (2) toujours une moitié
Fournira des armes à l'autre.


Dans la fable suivante, La Fontaine déplore l'impuissance des hommes à vivre en paix, même s'il parle par l'intermédiaire de l'oiseau qui tire enseignement de son malheur.

(*) Source : Ésope "L'aigle frappé d'une flèche"
(traduite en latin dans Névelet), dont voici la moralité :
"Il est pénible de souffrir un danger venant des siens"


(1) La flèche était additionnée de plumes qui la guidaient dans les airs
(2) père de Prométhée qui façonna les mortels avec de la terre glaise.
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Message par crodan00 Jeu 1 Avr - 4:29

L’OISELEUR, L’AUTOUR ET L’ALOUETTE


Jean de la Fontaine - Page 4 Oisaut10

Les injustices des pervers (1)
Servent souvent d'excuse aux nôtres.
Telle est la loi de l'univers ;
Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres . (2)
Un Manant au miroir prenait des Oisillons.(3)
Le fantôme brillant (4 ) attire une Alouette.
Aussitôt un Autour planant sur les sillons
Descend des airs, fond et se jette
Sur celle qui chantait, quoique près du tombeau.
Elle avait évité la perfide machine,
Lorsque se rencontrant sous la main (5) de l'Oiseau
Elle sent son ongle maline. (6)
Pendant qu'à la plumer l'Autour est occupé,
Lui-même sous les rets demeure enveloppé.
Oiseleur laisse-moi, dit-il en son langage ;
Je ne t'ai jamais fait de mal.
L'oiseleur repartit : Ce petit animal
T'en avait-il fait davantage ?


Source : Abstemius, dont la fable se trouve dans le recueil Nevelet, 1660
(2) Cette ligne est la seule de tout le recueil imprimée en italique. Pour quelle raison ? Est-ce pour donner une importance exceptionnelle à cette moralité ? A-t-il présenté ce vers comme l'adaptation d'un alexandrin de Corneille : "Quoi, tu veux qu'on tépargne, et n'as rien épargné ! " (Cinna, acte IV, sc.2, v. 1131). (d'après Simone Blavier-Paquot : L.F. : Vues sur l'art du moraliste dans les fables de 1668, Les Belles Lettres, 1961, p. 144)

L'Autour est un oiseau de proie dressé à la chasse

(3) un paysanchassait les oiseaux au miroir
(4) le reflet du miroir est aussi illusoire qu'un fantôme
(5) main s'applique au faucon. Pour les autours, on dit "le pied"
(6) féminin archaïque
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Message par crodan00 Ven 2 Avr - 4:46

L'ORACLE (1) ET L'IMPIE


Jean de la Fontaine - Page 4 Oracim10

Vouloir tromper le Ciel, c'est folie à la Terre ;
Le dédale des cœurs en ses détours n'enserre (2)
Rien qui ne soit d'abord éclairé par les dieux.
Tout ce que l'homme fait, il le fait à leurs yeux,
Même les actions que dans l'ombre il croit faire.
Un Païen qui sentait quelque peu le fagot (3),
Et qui croyait en Dieu, pour user de ce mot,
Par bénéfice d'inventaire (4),
Alla consulter Apollon.
Dès qu'il fut en son sanctuaire :
Ce que je tiens, dit-il, est-il en vie ou non ?
Il tenait un Moineau, dit-on,
Prêt d'étouffer la pauvre bête,
Ou de la lâcher aussitôt,
Pour mettre Apollon en défaut.
Apollon reconnut ce qu'il avait en tête (5):
Mort ou vif, lui dit-il, montre-nous ton Moineau,
Et ne me tends plus de panneau (6) ;
Tu te trouverais mal d'un pareil stratagème.
Je vois de loin, j'atteins de même.


Dans la fable "L'oracle et l'impie" un petit piège va être soumis au dieu Apollon :
L'impie, qui dédaigne la religion, va poser une devinette au dieu et, pour faire en sorte que la réponse du dieu soit fausse, selon les besoins, il étouffera ou non l'oiseau qu'il tient dans sa main.
Ainsi, il pourra prouver que les dieux ne sont pas infaillibles et se trompent parfois. Mais...

(1) les oracles d'Apollon, dieu grec, étaient rendus à Delphes par la Pythie.
(2) ne renferme. Les dieux connaissent tout de nous.
(3) vocabulaire qui concernait les hérétiques voués au bûcher.
(4) comme on vérifie l'actif d'un héritage avant de l'accepter.
(5) Apollon comprit ses intentions.
(6) piège
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Message par crodan00 Lun 5 Avr - 4:02

LES OREILLES DU LIEVRE


Jean de la Fontaine - Page 4 Orliev10

Un animal cornu blessa de quelques coups (1)
Le lion, qui plein de courroux,
Pour ne plus tomber en la peine,
Bannit des lieux de son domaine (2)
Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres, Béliers, Taureaux aussitôt délogèrent,
Daims et Cerfs de climat changèrent (3) ;
Chacun à s'en aller fut prompt.
Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,
Craignit que quelque Inquisiteur (4)
N'allât interpréter à cornes leur longueur,
Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles.
Adieu, voisin grillon, dit-il, je pars d'ici.
Mes oreilles enfin seraient cornes aussi ;
Et quand je les aurais plus courtes qu'une Autruche,
Je craindrais même encor. Le Grillon repartit : Cornes cela ? Vous me prenez pour cruche ;
Ce sont oreilles que Dieu fit (5).
On les fera passer pour cornes,
Dit l'animal craintif, et cornes de Licornes.
J'aurai beau protester ; mon dire et mes raisons ;;;;;;;;;;;;Iront aux Petites-Maisons (6)


La fable "Les oreilles du lièvre" trouve sa source chez Faerne (Italie, XVIème siècle). La Fontaine remplace le renard dont il était question par un lièvre : peut-être parce que la fable suivante a pour titre "Le renard ayant la queue coupée" et éviter un double emploi ? Chez Faerne, la moralité était :" Celui qui doit passer sa vie sous un tyran, est souvent condamné comme coupable, même s'il est innocent. Molière dira dans Les femmes savantes :" Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ". Cet état de terreur tyrannique existait au XVIIe siècle. Il existe encore à notre époque dans plusieurs pays du monde, hélas ! La fable est toujours actuelle.



(1) motivation de la décision du lion
(2) royaume
(3) changèrent de pays
(4) "un des juges établi pour connaître des hérétiques"(Richelet). La Fontaine songe à un tribunal ecclésiastique.(G. Couton, Fables, Garnier)
(5) et ce que Dieu fait ne peut être hérétique...
(6) hôpital réservé aux malades mentaux. L'expression était dans le domaine du proverbe. Ici : seront taxées de folie
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Message par crodan00 Jeu 8 Avr - 3:30

L’OURS ET L’AMATEUR DES JARDINS


Jean de la Fontaine - Page 4 Oursam10

Certain Ours montagnard, Ours à demi léché,
Confiné par le sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellérophon(1) vivait seul et caché :
Il fût devenu fou ; la raison d'ordinaire
N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés (2):
Il est bon de parler, et meilleur de se taire,
Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.
Nul animal n'avait affaire
Dans les lieux que l'Ours habitait ;
Si bien que tout Ours qu'il était
Il vint à s'ennuyer de cette triste vie.
Pendant qu'il se livrait à la mélancolie,
Non loin de là certain vieillard
S'ennuyait aussi de sa part.
Il aimait les jardins, était Prêtre de Flore,
Il l'était de Pomone encore : (3)
Ces deux emplois sont beaux. Mais je voudrais parmi
Quelque doux et discret ami.
Les jardins parlent peu , si ce n'est dans mon livre ;
De façon que, lassé de vivre
Avec des gens muets notre homme un beau matin
Va chercher compagnie, et se met en campagne.
L'Ours porté d'un même dessein
Venait de quitter sa montagne :
Tous deux, par un cas surprenant
Se rencontrent en un tournant.
L'homme eut peur : mais comment esquiver ; et que faire ?
Se tirer en Gascon d'une semblable affaire
Est le mieux. Il sut donc dissimuler sa peur.
L'Ours très mauvais complimenteur,
Lui dit : Viens-t'en me voir. L'autre reprit : Seigneur,
Vous voyez mon logis ; si vous me vouliez faire
Tant d'honneur que d'y prendre un champêtre repas,
J'ai des fruits, j'ai du lait : Ce n'est peut-être pas
De nosseigneurs les Ours le manger ordinaire ;
Mais j'offre ce que j'ai. L'Ours l'accepte ; et d'aller.
Les voilà bons amis avant que d'arriver.
Arrivés, les voilà se trouvant bien ensemble ;
Et bien qu'on soit à ce qu'il semble
Beaucoup mieux seul qu'avec des sots,
Comme l'Ours en un jour ne disait pas deux mots
L'Homme pouvait sans bruit vaquer à son ouvrage.
L'Ours allait à la chasse, apportait du gibier,
Faisait son principal métier
D'être bon émoucheur (4) , écartait du visage
De son ami dormant, ce parasite ailé,
Que nous avons mouche appelé.
Un jour que le vieillard dormait d'un profond somme,
Sur le bout de son nez une allant se placer
Mit l'Ours au désespoir ; il eut beau la chasser.
Je t'attraperai bien, dit-il. Et voici comme.
Aussitôt fait que dit ; le fidèle émoucheur
Vous empoigne un pavé, le lance avec roideur,
Casse la tête à l'homme en écrasant la mouche,
Et non moins bon archer (5) que mauvais raisonneur :
Roide mort étendu sur la place il le couche.
Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami ;
Mieux vaudrait un sage ennemi.


Cette fable et Les deux Amis, sont d'origine indienne. La Fontaine les a empruntées à Pilpay, sage indien (traduction de Gaulmin en 1644 sous le titre Le Livre des Lumières, d'une version arabe du Pantchatantra.)

(1) Fils de Poséidon ou de Glaucos, petit-fils de Sisyphe. Il dompta le cheval Pégase et tua la Chimère. .. On le voit dans l'Iliade (chant VI), poursuivi par la malédiction des dieux, traîner solitude et mélancolie...
(2) séparés du monde
(3) Flore et Pomone : déesses des fleurs et des vergers
(4) Celui qui chasse les mouches....
(5) Habile à viser
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Message par crodan00 Ven 9 Avr - 5:59

L'OURS ET LES DEUX COMPAGNONS


Jean de la Fontaine - Page 4 Oursco10

Deux Compagnons pressés d'argent
À leur voisin Fourreur vendirent
La peau d'un Ours encor vivant ;
Mais qu'ils tueraient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent.
C'était le Roi des Ours, au conte de ces gens.
Le Marchand à sa peau devait faire fortune :
Elle garantirait des froids les plus cuisants ;
On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu'une.
Dindenaut (1) prisait moins ses Moutons qu'eux leur Ours :
Leur, à leur compte, et non à celui de la Bête.
S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,
Ils conviennent de prix, et se mettent en quête ;
Trouvent l'Ours qui s'avance, et vient vers eux au trot.
Voilà mes Gens frappés comme d'un coup de foudre.
Le marché ne tint pas ; il fallut le résoudre :
D'intérêts contre l'Ours, on n'en dit pas un mot.
L'un des deux Compagnons grimpe au faîte d'un arbre.
L'autre, plus froid que n'est un marbre,
Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent , (2)
Ayant quelque part ouï dire
Que l'Ours s'acharne peu souvent
Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire.
Seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau.
Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie,
Et de peur de supercherie
Le tourne, le retourne, approche son museau,
Flaire aux passages de l'haleine.
C'est, dit-il, un cadavre : ôtons-nous, car il sent.
A ces mots, l'Ours s'en va dans la forêt prochaine.
L'un de nos deux Marchands de son arbre descend ;
Court à son Compagnon, lui dit que c'est merveille
Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal.
Et bien, ajouta-t-il, la peau de l'Animal ?
Mais que t'a-t-il dit à l'oreille ?
Car il s'approchait de bien près,
Te retournant avec sa serre.
Il m'a dit qu'il ne faut jamais
Vendre la peau de l'Ours qu'on ne l'ait mis par terre.


Les sources de cette fable sont assez diverses :
Elles peuvent venir des versions (du recueil Névelet), d'Ésope ( "Les voyageurs et l'ours" ou d' Abstémius : "Le tanneur qui achetait à un chasseur la peau d'un ours, qu'il n'avait pas encore pris" ). Les Mémoires de Commynes ont servi également de source et La Fontaine s'y tient de plus près.

(1) dans Rabelais (Quart Livre) Dindenaut est
marchand de moutons et fait l'éloge de ses bêtes
à Panurge pour les lui vendre plus cher. Panurge
se vengera.
(2) retient son souffle
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Message par crodan00 Lun 12 Avr - 5:56

PAROLE DE SOCRATE


Jean de la Fontaine - Page 4 Parols10

Socrate un jour faisant bâtir,
Chacun censurait son ouvrage.
L'un trouvait les dedans, pour ne lui point mentir,
Indignes d'un tel personnage ;
L'autre blâmait la face (1), et tous étaient d'avis
Que les appartements (2) en étaient trop petits.
Quelle maison pour lui ! L'on y tournait à peine (3).
Plût au Ciel que de vrais amis,
Telle qu'elle est, dit-il, elle pût être pleine ! (4)
Le bon Socrate avait raison
De trouver pour ceux-là trop grande sa maison.
Chacun se dit ami ; mais fol qui s'y repose.
Rien n'est plus commun que ce nom ;
Rien n'est plus rare que la chose.


La source de cette fable est Phèdre III, 9. Elle montre
que l'amitié sincère est très rare. La Fontaine reparlera
de l'amitié et de la valeur qu'il lui accorde dans la fable
"Les deux Amis" (VIII, 11)


(1) la façade
(2) les pièces
(3) on pouvait à peine s'y retourner
(4) même si elle est petite, je serais heureux de pouvoir
compter autant d'amis que la quantité de gens
qu'elle peut recevoir
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Message par crodan00 Mar 13 Avr - 5:18

LE PÂTRE ET LE LION


Jean de la Fontaine - Page 4 Patrli11

Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être :
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l'ennui :
Le conte fait passer le précepte avec lui.
En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire,
Et conter pour conter me semble peu d'affaire.
C'est par cette raison qu'égayant leur esprit,
Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit.
Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue.
On ne voit point chez eux de parole perdue.
Phèdre était si succinct qu'aucuns (1) l'en ont blâmé ;
Ésope en moins de mots s'est encore exprimé.
Mais sur tous certain Grec renchérit et se pique
D'une élégance laconique.
Il renferme toujours son conte en quatre vers :
Bien ou mal, je le laisse à juger aux experts.
Voyons-le avec Ésope en un sujet semblable.
L'un amène un Chasseur, l'autre un Pâtre, en sa fable.
J'ai suivi leur projet (2) quant à l'événement,
Y cousant en chemin quelque trait seulement.
Voici comme à peu près Ésope le raconte.
Un Pâtre, à ses Brebis trouvant quelque mécompte,
Voulut à toute force attraper le Larron.
Il s'en va près d'un antre, et tend à l'environ
Des lacs (3) à prendre loups, soupçonnant cette engeance.
Avant que partir de ces lieux,
Si tu fais, disait-il, Ô Monarque des Dieux,
Que le drôle à ces lacs se prenne en ma présence,
Et que je goûte ce plaisir,
Parmi vingt Veaux je veux choisir
Le plus gras, et t'en faire offrande. "
À ces mots, sort de l'antre un Lion grand et fort.
Le Pâtre se tapit, et dit à demi mort :
Que l'homme ne sait guère, hélas, ce qu'il demande !
Pour trouver le Larron qui détruit mon troupeau,
Et le voir en ces lacs pris avant que je parte,
Ô monarque des Dieux, je t'ai promis un veau :
Je te promets un Bœuf si tu fais qu'il s'écarte.

C'est ainsi que l'a dit le principal auteur ;
Passons à son imitateur.(4)

Un Fanfaron amateur de la chasse,
Venant de perdre un Chien de bonne race,
Qu'il soupçonnait dans le corps d'un Lion,
Vit un Berger. Enseigne-moi, de grâce,
De mon Voleur, lui dit-il, la maison ;
Que de ce pas je me fasse raison.
Le Berger dit : C'est vers cette montagne.
En lui payant de tribut (5) un mouton
Par chaque mois, j'erre dans la campagne
Comme il me plaît, et je suis en repos.
Dans le moment qu'ils tenaient ces propos,
Le Lion sort, et vient d'un pas agile.
Le Fanfaron aussitôt d'esquiver ; (6)
Ô Jupiter, montre-moi quelque asile,
S'écria-t-il, qui me puisse sauver.
La vraie épreuve de courage
N'est que dans le danger que l'on touche du doigt,
Tel le cherchait, dit-il, qui changeant de langage,
S'enfuit aussitôt qu'il le voit.



(1) sens de : quelques-uns (déjà archaïque à l'époque)
(2) j'ai suivi la trame de leur récit
(3) filets utilisés pour la chasse
(4) Babrias
(5) rétribution
(6) éviter, éluder, fuir (Richelet)
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Message par crodan00 Mer 14 Avr - 4:54

LE PAYSAN DU DANUBE


Jean de la Fontaine - Page 4 Paydan10

Il ne faut point juger des gens sur l'apparence.
Le conseil en est bon ; mais il n'est pas nouveau.
Jadis l'erreur du souriceau (1)
Me servit à prouver le discours que j'avance.
J'ai pour le fonder à présent
Le bon Socrate, Esope (2) et certain Paysan
Des rives du Danube, homme dont Marc-Aurèle
Nous fait un portrait fort fidèle.
On connait les premiers ; quant à l'autre, voici
Le personnage en raccourci.
Son menton nourrissait une barbe touffue,
Toute sa personne velue
Représentait (3) un Ours, mais un Ours mal léché.
Sous un sourcil épais il avait l'œil caché,
Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre,
Portait sayon (4) de poil de chèvre,
Et ceinture de joncs marins.
Cet homme ainsi bâti fut député des villes
Que lave le Danube : Il n'était point d'asiles
Où l'avarice (5) des Romains
Ne pénétrât alors, et ne portât les mains.
Le député vint donc, et fit cette harangue :
Romains, et vous Sénat assis pour m'écouter,
Je supplie avant tout les Dieux de m'assister :
Veuillent les Immortels, conducteurs de ma langue,
Que je ne dise rien qui doive être repris.
Sans leur aide il ne peut entrer dans les esprits
Que tout mal et toute injustice :
Faute d'y recourir on viole leurs lois.
Témoin nous que punit la romaine avarice :
Rome est par nos forfaits, plus que par ses exploits,
L'instrument de notre supplice. (6)
Craignez Romains, craignez, que le Ciel quelque jour
Ne transporte chez vous les pleurs et la misère,
Et mettant en nos mains par un juste retour
Les armes dont se sert sa vengeance sévère,
Il ne vous fasse en sa colère,
Nos esclaves à votre tour.
Et pourquoi sommes-nous les vôtres ? Qu'on me die
En quoi vous valez mieux que cent peuples divers.
Quel droit vous a rendus maîtres de l'univers ?
Pourquoi venir troubler une innocente vie ?
Nous cultivons en paix d'heureux champs, et nos mains
Etaient propres aux arts ainsi qu'au labourage :
Qu'avez-vous appris aux Germains?
Ils ont l'adresse et le courage ;
S'ils avaient eu l'avidité,
Comme vous, et la violence,
Peut être en votre place ils auraient la puissance,
Et sauraient en user sans inhumanité.
Celle que vos préteurs (7) ont sur nous exercée
N'entre qu'à peine en la pensée.
La majesté de vos autels
Elle-même en est offensée;
Car sachez que les immortels
Ont les regards sur nous. Grâces à vos exemples,
Ils n'ont devant les yeux que des objets d'horreur,
De mépris d'eux et de leurs temples,
D'avarice qui va jusques à la fureur.
Rien ne suffit aux gens qui nous viennent de Rome ;
La terre, et le travail de l'homme
Font pour les assouvir des efforts superflus.
Retirez-les ; on ne veut plus
Cultiver pour eux les campagnes ;
Nous quittons les cités, nous fuyons aux montagnes ;
Nous laissons nos chères compagnes.
Nous ne conversons(Cool plus qu'avec des Ours affreux,
Découragés de mettre au jour des malheureux,
Et de peupler pour Rome un pays qu'elle opprime.
Quant à nos enfants déjà nés
Nous souhaitons de voir leurs jours bientôt bornés :
Vos préteurs au malheur nous font joindre le crime (9).
Retirez-les ; ils ne nous apprendront
Que la mollesse et que le vice.
Les Germains comme eux deviendront
Gens de rapine et d'avarice.
C'est tout ce que j'ai vu dans Rome à mon abord (10).
N'a-t-on point de présent à faire ?
Point de pourpre à donner ? C'est en vain qu'on espère
Quelque refuge aux lois (11) : encor leur ministère
A-t-il mille longueurs. Ce discours, un peu fort,
Doit commencer à vous déplaire.
Je finis. Punissez de mort
Une plainte un peu trop sincère.
A ces mots il se couche et chacun étonné
Admire le grand cœur, le bon sens, l'éloquence,
Du sauvage ainsi prosterné.
On le créa Patrice (12) ; et ce fut la vengeance
Qu'on crut qu'un tel discours méritait. On choisit
D'autres Préteurs, et par écrit
Le Sénat demanda ce qu'avait dit cet homme,
Pour servir de modèle aux parleurs à venir.
On ne sut pas longtemps à Rome
Cette éloquence entretenir.



L'histoire vient de Guevara qui l'attribue à Marc-Aurèle
à la fin de son Horloge des princes parue à Valladolid en 1529.
Il est probable que L.F. l'ait trouvée, paraphrasée en français
dans les Parallèles historiques de son ami François Cassandre (privilège accordé en 1679 ; L.F. a pu le lire en manuscrit.)
M. Georges Couton (La Politique de La Fontaine,
Les Belles Lettres, 1959) a souligné plusieurs aspects
importants dans la signification de cette fable : rapport du
personnage avec la tradition du "bon sauvage", philosophie
de l'histoire dérivée du christianisme, fond du débat portant
sur le problème de l'impérialisme et du colonialisme [...],
démystification de la grandeur romaine, dénonciation d'une
politique de conquêtes et d'oppression pour les vaincus, pratiquée alors par Louis XIV et Louvois, avec une désastreuse inefficacité...." ( Notes de J.P. Collinet dans La Fontaine, oeuvres complètes, La Pléiade)
" Il ne faut pas hésiter à voir ici, en pleine euphorie des traités de Nimègue, et à la veille de la surenchère de Perrault et des "Modernes" à la gloire de Louis Le Grand, un jugement amer sur le "siècle de Louis XIV." (M.Fumaroli, La Fontaine, Fables)


(1) "le cochet, le chat et le souriceau"
(2) Socrate a été comparé par Alcibiade, dans "le Banquet"
de Platon, à ces figurines grotesques qui servent à contenir
des parfums exquis ; Esope était difforme.
(3) rappelait
(4) dérivé de "saie" , vêtement serré à la ceinture
(5) au sens du latin "avaritia" : avidité.
(6) "Le paysan du Danube" se fait l'avocat des Germains,
opposant "l'innocence" à l'"inhumanité" romaine. C'est à la
"Germanie" de Tacite que le lecteur est renvoyé.
(7) magistrats, au sens large
(Cool converser : vivre familièrement avec (Furetière)
(9) celui de souhaiter la mort de ses enfants
(10) à mon arrivée
(11) dans les lois
(12) dignité instituée plus tard par Constantin, il faut
peut-être comprendre "patricien" : paysan anobli
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Message par crodan00 Jeu 15 Avr - 4:57

LA PERDRIX ET LES COQS


Jean de la Fontaine - Page 4 Perdco10

Parmi de certains Coqs incivils (1), peu galants,
Toujours en noise (2) et turbulents,
Une Perdrix était nourrie.
Son sexe et l'hospitalité,
De la part de ces Coqs peuple à l'amour porté
Lui faisaient espérer beaucoup d'honnêteté (3) :
Ils feraient les honneurs de la ménagerie (4).
Ce peuple cependant, fort souvent en furie,
Pour la Dame étrangère ayant peu de respec (5),
Lui donnait fort souvent d'horribles coups de bec.
D'abord elle en fut affligée ;
Mais sitôt qu'elle eut vu cette troupe enragée
S'entre-battre elle-même, et se percer les flancs,
Elle se consola : Ce sont leurs mœurs, dit-elle,
Ne les accusons point ; plaignons plutôt ces gens.
Jupiter sur un seul modèle
N'a pas formé tous les esprits :
Il est des naturels de Coqs et de Perdrix.
S'il dépendait de moi, je passerais ma vie
En plus honnête compagnie.
Le maître de ces lieux en ordonne autrement.
Il nous prend avec des tonnelles (6),
Nous loge avec des Coqs, et nous coupe les ailes :
C'est de l'homme qu'il faut se plaindre seulement.



Source : Esope : Les coqs et la perdrix (Nevelet p.94)

1) discourtois
(2) dispute, querelle
(3) courtoisie
(4) lieu construit pour y engraisser bestiaux et volailles
(5) cette orthographe souligne la prononciation pour la rime
(6) espèce de chasse que l'on fait avec un cheval de bois peint, que le chasseur pousse devant lui pour faire entrer les perdrix dans un filet
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Message par crodan00 Ven 16 Avr - 5:57

LE PETIT POISSON ET LE PÊCHEUR


Jean de la Fontaine - Page 4 Pcpois10

Petit poisson deviendra grand
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi (1) que c'est folie ;
Car de le rattraper il (2) n'est pas trop certain.
Un Carpeau qui n'était encore que fretin (3)
Fut pris par un Pêcheur au bord d'une rivière.
Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin ;
Voilà commencement de chère et de festin :
Mettons-le (4) en notre gibecière.
Le pauvre Carpillon lui fit (*) en sa manière (5) :
Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournir
Au plus qu'une demi-bouchée.
Laissez-moi Carpe devenir :
Je serai par vous repêchée.
Quelque gros Partisan (6) m'achètera bien cher :
Au lieu qu'il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille
Pour faire un plat. Quel plat ? croyez-moi, rien qui vaille.
Rien qui vaille et bien soit, repartit le Pêcheur :
Poisson mon bel ami, qui faites le Prêcheur,
Vous irez dans la poêle ; et vous avez beau dire ;
Dès ce soir on vous fera frire.

Un Tien(7) vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras ;
L'un est sûr, l'autre ne l'est pas
.

Ses sources : Ésope "le pêcheur et le picarel"
Avianus, Haudent évoquaient la même réalité.

(1) je pense
(2) cela
(3) poisson de rebut
(4) lire : "mettons l'en" pour respecter l'octosyllabe
(5) en sa langue
(6) financier chargé du recouvrement des impôts
(7) forme ancienne de l'impératif Tiens
(*) édition 1668
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Message par crodan00 Sam 17 Avr - 6:29

PHEBUS ET BOREE


Jean de la Fontaine - Page 4 Phebu10

Borée (1) et le Soleil virent un Voyageur
Qui s'était muni (2) par bonheur
Contre le mauvais temps ( on entrait dans l'automne,
Quand la précaution aux voyageurs est bonne :
Il pleut ; le soleil luit ; et l'écharpe d'Iris (2)
Rend ceux qui sortent avertis (3)
Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire.
Les Latins les nommaient douteux pour cette affaire(4).)
Notre homme s'était donc à la pluie attendu :
Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte.
Celui-ci, dit le Vent, prétend avoir pourvu
A tous les accidents ; mais il n'a pas prévu
Que je saurai souffler de sorte
Qu'il n'est bouton qui tienne ; il faudra, si je veux,
Que le manteau s'en aille au Diable.
L'ébattement (5) pourrait nous en être agréable :
Vous plaît-il de l'avoir ? Eh bien, gageons nous deux,
(Dit Phébus), sans tant de paroles,
A qui plus tôt aura dégarni les épaules
Du Cavalier que nous voyons.
Commencez : je vous laisse obscurcir mes rayons.
Il n'en fallut pas plus. Notre Souffleur à gage (6)
Se gorge de vapeurs, s'enfle comme un ballon ;
Fait un vacarme de démon,
Siffle, souffle, tempête, et brise en son passage
Maint toit qui n'en peut mais (7), fait périr maint bateau :
Le tout au sujet du manteau.
Le Cavalier eut soin d'empêcher que l'orage
Ne se pût engouffrer dedans ;
Cela le préserva : le Vent perdit son temps :
Plus il se tourmentait, plus l'autre tenait ferme ;
Il eut beau faire agir le collet et les plis (Cool.
Sitôt qu'il fut au bout du terme (9)
Qu'à la gageure on avait mis,
Le Soleil dissipe la nue,
Recrée (10), et puis pénètre enfin le Cavalier,
Sous son balandras (11) fait qu'il sue,
Le contraint de s'en dépouiller.
Encor n'usa-t-il pas de toute sa puissance.
Plus fait douceur que violence.


Sources : Esope "Borée et le soleil"

(1) Phébus : le Soleil ; Borée : le vent du Nord
(2) protégé
(3) l'arc-en-ciel avertit ceux qui sortent
(4) pour cette raison
(5) le divertissement
(6) comme s'il était gagé, payé, pour le faire
(7) qui n'y peut rien
(Cool il eut beau agiter le tissu recouvrant le manteau et les plis
(9) temps réglé et prescrit
(10) revigore
(11) gros manteau
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Message par crodan00 Lun 19 Avr - 5:33

Les Poissons et le Berger qui joue de la flûte


Jean de la Fontaine - Page 4 Poisbe10

Tircis, qui pour la seule Annette
Faisait résonner les accords
D'une voix et d'une musette (1)
Capables de toucher les morts,
Chantait un jour le long des bords
D'une onde arrosant des prairies,
Dont Zéphire habitait les campagnes fleuries.
Annette cependant à la ligne pêchait ;
Mais nul poisson ne s'approchait.
La Bergère perdait ses peines.
Le Berger qui par ses chansons,
Eût attiré des inhumaines,
Crut, et crut mal, attirer des poissons.
Il leur chanta ceci : Citoyens (2)de cette onde,
Laissez votre Naïade en sa grotte profonde .
Venez voir un objet mille fois plus charmant.
Ne craignez point d'entrer aux prisons de la Belle :
Ce n'est qu'à nous qu'elle est cruelle :
Vous serez traités doucement,
On n'en veut point à votre vie :
Un vivier vous attend, plus clair que fin cristal.
Et, quand à quelques-uns l'appât serait fatal,
Mourir des mains d'Annette est un sort que j'envie.
Ce discours éloquent ne fit pas grand effet :
L'auditoire était sourd aussi bien que muet.
Tircis eut beau prêcher : ses paroles miellées
S'en étant aux vents envolées,
Il tendit un long rets (2). Voilà les poissons pris,
Voilà les poissons mis aux pieds de la Bergère.
Ô vous Pasteurs d'humains et non pas de brebis,
Rois qui croyez gagner par raisons les esprits
D'une multitude étrangère,
Ce n'est jamais par là que l'on en vient à bout ;
Il y faut une autre manière :
Servez-vous de vos rets, la puissance fait tout.



Source : un apologue d'Esope Le pêcheur qui joue de la flûte

Dans l'apologue d'Esope, c'est un homme et non une femme qui pêche...

Cette fable où prédomine le ton de la pastorale galante, est prétexte à un madrigal dont la galanterie demeure poétique..
La morale de la fable n'est plus comme dans Phébus et Borée "Plus fait douceur que violence", mais plutôt le contraire...
Au moment où se termine la guerre de Hollande, par le traité de Nimègue, et où Louis XIV impressionne par sa puissance militaire, et agrandit son territoire par la politique des "réunions"., la fable prend toute sa signification..

(1) instrument de musique
(2) habitants
(3) filets
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Message par crodan00 Mar 20 Avr - 4:17

Les Poissons et le Cormoran


Jean de la Fontaine - Page 4 Poisco10

Il n'était point d'étang dans tout le voisinage
Qu'un Cormoran (1)n'eût mis à contribution.
Viviers et réservoirs lui payaient pension (2).
Sa cuisine allait bien : mais, lorsque le long âge
Eut glacé le pauvre animal,
La même cuisine alla mal.
Tout Cormoran se sert de pourvoyeur (3) lui-même.
Le nôtre, un peu trop vieux pour voir au fond des eaux,
N'ayant ni filets ni réseaux (4),
Souffrait (5) une disette extrême.
Que fit-il ? Le besoin, docteur en stratagème,
Lui fournit celui-ci. Sur le bord d'un Etang
Cormoran vit une Écrevisse.
Ma commère, dit-il, allez tout à l'instant
Porter un avis important
A ce peuple. Il faut (6) qu'il périsse :
Le maître de ce lieu dans huit jours pêchera.
L'Écrevisse en hâte s'en va
Conter le cas : grande est l'émute (7).
On court, on s'assemble, on députe
A l'Oiseau : Seigneur Cormoran,
D'où vous vient cet avis ? Quel est votre garant ?
Êtes-vous sûr de cette affaire ?
N'y savez-vous remède ? Et qu'est-il bon de faire ?
Changer de lieu, dit-il. Comment le ferons-nous ?
N'en soyez point en soin (Cool: je vous porterai tous,
L'un après l'autre, en ma retraite.
Nul que (9) Dieu seul et moi n'en connaît les chemins :
Il n'est demeure plus secrète.
Un Vivier que nature y creusa de ses mains,
Inconnu des traîtres humains,
Sauvera votre république.
On le crut. Le peuple aquatique
L'un après l'autre (10) fut porté
Sous ce rocher peu fréquenté.
Là Cormoran le bon apôtre,
Les ayant mis en un endroit
Transparent, peu creux, fort étroit,
Vous les prenait sans peine, un jour l'un, un jour l'autre.
Il leur apprit à leurs dépens
Que l'on ne doit jamais avoir de confiance
En ceux qui sont mangeurs de gens.
Ils y perdirent peu, puisque l'humaine engeance
En aurait aussi bien croqué sa bonne part ;
Qu'importe qui vous mange ? homme ou loup ; toute panse
Me paraît une (11) à cet égard ;
Un jour plus tôt, un jour plus tard,
Ce n'est pas grande différence.


Sources : Pilpay Le Livre des Lumières p. 92-95 où le cormoran est étranglé par les pinces de l'écrevisse qui a deviné sa ruse.

(1) le cormoran plonge pour se nourrir de poissons
(2) tribut
(3) celui qui pourvoit sa maison de vivres
(4) filets pour les poissons, réseaux pour les oiseaux
(5) endurait
(6) il est inévitable
(7) l'émeute
(Cool inquiétude
(9) nul..sinon Dieu
(10) les poissons, l'un après l'autre
(11) équivalente
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Message par crodan00 Jeu 22 Avr - 5:17

LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER


Jean de la Fontaine - Page 4 Poterf11

Le Pot de fer proposa
Au Pot de terre un voyage.
Celui-ci s'en excusa,
Disant qu'il ferait que sage (1)
De garder le coin du feu ;
Car il lui fallait si peu,
Si peu, que la moindre chose
De son débris serait cause. (2)
Il n'en reviendrait morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le Pot de fer.
Si quelque matière dure
Vous menace d'aventure,
Entre deux je passerai, (3)
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.
Mes gens s'en vont à trois pieds,
Clopin-clopant comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetés,
Au moindre hoquet (4) qu'ils treuvent.(5)
Le pot de terre en souffre ; il n'eut pas fait cent pas
Que par son Compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu'il eût lieu de se plaindre .
Ne nous associons qu'avecque nos égaux ;
Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d'un de ces Pots .


source : Esope "les pots";
"la peau dure" fait référence à la lecture de Faerne : né en Italie au XVIème siècle, il a écrit, en latin, des fables en vers imitées d'Esope.

(1) archaïque : "ce que ferait un sage" donc :"il ferait sagement"
(2) la moindre chose serait cause de sa casse
(3) je m'interposerai
(4) obstacle, empêchement
(5) trouvent
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Message par crodan00 Ven 23 Avr - 4:38

LA POULE AUX ŒUFS D'OR


Jean de la Fontaine - Page 4 Poulfa10

L'Avarice (1) perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux pour le témoigner (2)
Que celui (3) dont la Poule, à ce que dit la fable, (4)
Pondait tous les jours un œuf d'or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches : (5)
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être riches ? (6)


La femme et la poule.
Une veuve avait une poule qui lui pondait un oeuf par jour. Elle se dit que si elle lui donnait plus de grain, sa poule pondrait deux fois par jour : aussi accrut-elle sa ration. Mais la poule devenue grasse ne put même plus pondre son œuf quotidien.
La fable fait voir qu'à convoiter plus que ce que l'on a, l'on perd même ce que l'on possède.

L'oie aux œufs d'or
Hermès avait un adorateur très zélé, qu'il gratifia d'une oie aux œufs d'or. Mais l'homme ne sut se contenter de cette rente trop modeste ; croyant que son oie avait des entrailles toutes d'or, il n'hésita pas à l'immoler. C'est ainsi qu'il ne fut pas seulement trompé dans son attente, mais privé de ses œufs, car dans son oie, il ne trouva que de la chair.
De même, il arrive souvent que les gens cupides, à vouloir toujours plus, perdent même ce qu'ils possèdent.


(1) avidité, cupidité (Larousse, dictionnaire du français classique : le XVIIème siècle)
(2) prouver
(3) que l'exemple de...
(4) v. sources
(5) cupides
(6) allusion aux "chambres de justice" de Colbert, qui avaient amené des financiers enrichis malhonnêtement à rembourser leurs gains.
D'autre part, dans "le Berger et la mer", La Fontaine formulait déjà une certaine méfiance face à un enrichissement trop rapide et trop facile ; peut-être faut-il voir ici une mise en garde contre les enrichissements trop alléchants procurés par les Compagnies orientales.
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Message par crodan00 Sam 24 Avr - 6:02

LE POUVOIR DES FABLES


Jean de la Fontaine - Page 4 Pouvfa10

La qualité d'Ambassadeur
Peut-elle s'abaisser à des contes vulgaires ?
Vous puis-je offrir mes vers et leurs grâces légères ?
S'ils osent quelquefois prendre un air de grandeur,
Seront-ils point traités par vous de téméraires ?
Vous avez bien d'autres affaires
A démêler que les débats
Du Lapin et de la Belette :
Lisez-les, ne les lisez pas ;
Mais empêchez qu'on ne nous mette
Toute l'Europe sur les bras.
Que de mille endroits de la terre
Il nous vienne des ennemis,
J'y consens ; mais que l'Angleterre
Veuille que nos deux Rois se lassent d'être amis,
J'ai peine à digérer la chose.
N'est-il point encor temps que Louis se repose ?
Quel autre Hercule enfin ne se trouverait las
De combattre cette Hydre (1) ? et faut-il qu'elle oppose
Une nouvelle tête aux efforts de son bras ?
Si votre esprit plein de souplesse,
Par éloquence, et par adresse,
Peut adoucir les coeurs, et détourner ce coup,
Je vous sacrifierai cent moutons ; c'est beaucoup
Pour un habitant du Parnasse.
Cependant faites-moi la grâce
De prendre en don ce peu d'encens.
Prenez en gré (2) mes vœux ardents,
Et le récit en vers qu'ici je vous dédie.
Son sujet vous convient ; je n'en dirai pas plus :
Sur les éloges que l'envie
Doit avouer qui (3)vous sont dus,
Vous ne voulez pas qu'on appuie.

Dans Athène (4) autrefois peuple vain et léger,
Un Orateur voyant sa patrie en danger,
Courut à la Tribune ; et d'un art tyrannique,
Voulant forcer les cœurs dans une république,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l'écoutait pas : l'Orateur recourut
A ces figures violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes.
Il fit parler les morts (5), tonna, dit ce qu'il put.
Le vent emporta tout ; personne ne s'émut.
L'animal aux têtes frivoles
Etant fait à ces traits, ne daignait l'écouter.
Tous regardaient ailleurs : il en vit s'arrêter
A des combats d'enfants, et point à ses paroles.
Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.
Cérès , commença-t-il, faisait voyage un jour
Avec l'Anguille et l'Hirondelle :
Un fleuve les arrête ; et l'Anguille en nageant,
Comme l'Hirondelle en volant,
Le traversa bientôt. L'assemblée à l'instant
Cria tout d'une voix : Et Cérès, que fit-elle ?
Ce qu'elle fit ? un prompt courroux
L'anima d'abord contre vous.
Quoi, de contes d'enfants son peuple s'embarrasse !
Et du péril qui le menace
Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet !
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ?
A ce reproche l'assemblée,
Par l'apologue réveillée,
Se donne entière à l'Orateur :
Un trait de fable en eut l'honneur.
Nous sommes tous d'Athène en ce point ; et moi-même,
Au moment que je fais cette moralité,
Si Peau d'âne (6) m'était conté,
J'y prendrais un plaisir extrême,
Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.


Source : Abstemius, emprunté à l'anecdote de l'apologue ésopique de L'Orateur Démade

(1) allusion à l'Hydre de Lerne dont les têtes repoussaient après avoir été coupées.
(2) soyez content de, prenez plaisir à
(3) dont l'envie doit avouer qu'ils...
(4) selon la commodité de la versification
(5) en employant une prosopopée, c'est à dire qu'il utilise une figure par laquelle il donne la parole à un défunt ou à un personnage allégorique ...
(6) non le conte de Perrault paru en 1694, mais celui qui est évoqué dans Le Malade imaginaire, ou celui qui termine les Nouvelles récréations et joyeux devis de Bonavenutre des Périers, D'une jeune fille surnommée Peau d'Âne et comment elle fut mariée par le myen que lui donnèrent les petites fourmis
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Message par crodan00 Lun 26 Avr - 5:51

LA QUERELLE DES CHIENS ET DES CHATS
ET CELLE DES CHATS ET DES SOURIS


Jean de la Fontaine - Page 4 Querel10

La Discorde a toujours régné dans l'univers ;
Notre monde en fournit mille exemples divers :
Chez nous cette Déesse a plus d'un tributaire.
Commençons par les éléments:
Vous serez étonnés de voir qu'à tous moments
Ils seront appointés contraire (1).
Outre ces quatre potentats,
Combien d'êtres de tous états
Se font une guerre éternelle ?
Autrefois un logis plein de Chiens et de Chats,
Par cent arrêts rendus en forme solennelle,
Vit terminer tous leurs débats.
Le Maître ayant réglé leurs emplois, leurs repas,
Et menacé du fouet quiconque aurait querelle,
Ces animaux vivaient entre eux comme cousins ;
Cette union si douce, et presque fraternelle,
Édifiait tous les voisins.
Enfin elle cessa. Quelque plat de potage,
Quelque os, par préférence, à quelqu'un d'eux donné,
Fit que l'autre parti s'en vint tout forcené
Représenter un tel outrage.
J'ai vu des chroniqueurs attribuer le cas
Aux passe-droits qu'avait une Chienne en gésine (2).
Quoi qu'il en soit, cet altercas
Mit en combustion la salle et la cuisine ;
Chacun se déclara pour son Chat, pour son Chien.
On fit un règlement (3) dont les Chats se plaignirent,
Et tout le quartier étourdirent.
Leur Avocat disait qu'il fallait bel et bien
Recourir aux arrêts. En vain ils les cherchèrent.
Dans un recoin où d'abord leurs Agents les cachèrent,
Les souris enfin les mangèrent.
Autre procès nouveau. Le peuple Souriquois
En pâtit : maint vieux chat, fin, subtil, et narquois,
Et d'ailleurs en voulant à toute cette race,
Les guetta, les prit, fit main basse (4).
Le Maître du logis ne s'en trouva que mieux.
J'en reviens à mon dire. On ne voit sous les cieux
Nul animal, nul être, aucune créature,
Qui n'ait son opposé ; c'est la loi de Nature.
D'en chercher la raison, ce sont soins superflus.
Dieu fit bien ce qu'il fit, et je n'en sais pas plus.
Ce que je sais, c'est qu'aux grosses paroles (5)
On en vient sur un rien, plus de trois quarts du temps.
Humains, il vous faudrait encore à soixante ans
Renvoyer chez les Barbacoles(6) .


La fable qui suit trouve sa source chez Haudent (XVIème siècle).
." Les premiers vers de la fable font de cette guerre entre espèces naturellement ennemies un "miroir" de la discorde universelle qui régit l'ordre du monde" (M.Fumaroli)

(1) brouillés ensemble, selon une façon de parler
proverbiale tirée du Palais.
(2) sur le point de mettre bas
(3) une loi
(4) les tua toutes
(5) querelles
(6) "terme plaisant et burlesque pour désigner un maître
d'école, qui, pour se rendre plus vénérable à ses écoliers,
porte une longue barbe" (P.Coste, 1743)
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Message par crodan00 Lun 3 Mai - 4:50

LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS


Jean de la Fontaine - Page 4 Radevi10

Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.

Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis :
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.

Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu'un troubla la fête,
Pendant qu'ils étaient en train.

A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit ;
Le Rat de ville détale,
Son camarade le suit.

Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le Citadin de dire :
Achevons tout notre rôt.

C'est assez, dit le Rustique ;
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi ;

Mais rien ne vient m'interrompre ;
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre !


Avant de commencer la lecture de cette
fable, faisons (si vous le voulez bien, sinon rendez-vous à la fable..) un peu de "technique" ou plutôt de "métrique" :
L'histoire est racontée en 7 quatrains d'heptasyllabes
(4 vers de 7 pieds chacun), à rimes croisées
(a-b-a-b), sauf le dernier où les rimes
sont embrassées (a-b-b-a). Pas de diversité ni
de variété ici dans le genre des vers, ce qui est
rare chez L.F.

(*) L.F. n'a pu s'inspirer d'Ésope pour cette fable
puisque les deux versions existantes n'étaient pas
publiées de son temps. "Le rat des champs et le rat de ville" d'Ésope n'était connu au XVIIème qu'à travers Aphthonius ou l'anonyme de Nevelet et par son interprétation par Horace
( Satires, II,6)
L.F. confirme sa position : la vie rustique est préférable
à la vie citadine, active....
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Message par crodan00 Mar 4 Mai - 3:38

LE RAT ET L'ELEPHANT


Jean de la Fontaine - Page 4 Fable210

Se croire un personnage est fort commun en France.
On y fait l’homme d’importance,
Et l’on n’est souvent qu’un bourgeois (1) :
C’est proprement le mal françois .
La sotte vanité nous est particulière.
Les Espagnols sont vains, mais d’une autre manière.
Leur orgueil me semble en un mot
Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
Donnons quelque image du nôtre,
Qui sans doute (2) en vaut bien un autre.
Un Rat des plus petits voyait un Eléphant
Des plus gros, et raillait le marcher un peu lent
De la bête de haut parage (3),
Qui marchait à gros équipage (4).
Sur l’animal à triple étage
Une Sultane de renom,
Son Chien, son Chat, et sa Guenon,
Son Perroquet, sa vieille (5), et toute sa maison,
S’en allait en pèlerinage.
Le Rat s’étonnait que les gens
Fussent touchés (6) de voir cette pesante masse :
Comme si d’occuper ou plus ou moins de place
Nous rendait, disait-il, plus ou moins importants.
Mais qu’admirez-vous tant en lui vous autres hommes?
Serait-ce ce grand corps, qui fait peur aux enfants ?
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes,
D’un grain (7) moins que les Eléphants.
Il en aurait dit davantage ;
Mais le Chat sortant de sa cage
Lui fit voir en moins d’un instant
Qu’un Rat n’est pas un Eléphant.


La Fontaine s'inspire de Phèdre, repris par Le Maître de Sacy, mais évite les paroles un peu scabreuses concernant la comparaison faite par les animaux de certaine partie de leur corps (chez Phèdre : l'âne et le sanglier ; chez Le Maître de Sacy : un rat et un éléphant). Ici, l'éléphant ignore le rat, mangé par le chat.

(1) qui n'appartient ni à la noblesse, ni au clergé
(2) sans aucun doute
(3) de très noble parenté et souche
(4) provision de tout ce qui est nécessaire pour voyager
(5) sa duègne
(6) en admiration
(7) le plus petit des poids dont on se sert pour peser les choses précieuses (dict. de Furetière)
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Message par crodan00 Mer 5 Mai - 4:18

LE RAT ET L'HUÏTRE


Jean de la Fontaine - Page 4 Rahuit10

Un Rat hôte (1) d'un champ, Rat de peu de cervelle,
Des Lares (2) paternels un jour se trouva soû.(3)
Il laisse là le champ, le grain, et la javelle, (4)
Va courir le pays, abandonne son trou.
Sitôt qu'il fut hors de la case,
Que le monde, dit-il, est grand et spacieux !
Voilà les Apennins, et voici le Caucase :
La moindre taupinée (5) était mont à ses yeux.
Au bout de quelques jours le voyageur arrive
En un certain canton où Thétys (6) sur la rive
Avait laissé mainte Huître ; et notre Rat d'abord
Crut voir en les voyant des vaisseaux de haut bord.
Certes, dit-il, mon père était un pauvre sire :
Il n'osait voyager, craintif au dernier point :
Pour moi, j'ai déjà vu le maritime empire :
J'ai passé les déserts, mais nous n'y bûmes point.
D'un certain magister (7) le Rat tenait ces choses,
Et les disait à travers champs ;
N'étant pas de ces Rats qui les livres rongeants
Se font savants jusques aux dents.
Parmi tant d'Huîtres toutes closes,
Une s'était ouverte, et bâillant au soleil,
Par un doux zéphir réjouie,
Humait l'air, respirait, était épanouie,
Blanche, grasse, et d'un goût, à la voir, nompareil.
D'aussi loin que le Rat voir cette Huître qui bâille :
Qu'aperçois-je ? dit-il, c'est quelque victuaille ;
Et, si je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd'hui bonne chère, ou jamais.
Là-dessus maître Rat plein de belle espérance,
Approche de l'écaille, allonge un peu le cou,
Se sent pris comme aux lacs (Cool ; car l'Huître tout d'un coup
Se referme, et voilà ce que fait l'ignorance.

Cette fable contient plus d'un enseignement.
Nous y voyons premièrement :
Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience
Sont aux moindres objets frappés d'étonnement :
Et puis nous y pouvons apprendre,
Que tel est pris qui croyait prendre.


On a longemps considéré une épigramme d'Antiphile, dans l'Anthologie palatine (IX, 84), reprise par Alciat dans son Emblème 94, comme le texte le plus proche (la capture du rat par l'huître).
Le poète 'est employé en tout cas à préparer un pendant à L'Huître et les Plaideurs ( IX, 9) et à faire écho à la fable Le Cochet, le Chat et le Souriceau (VI, 5). La publication de la fable date de 1671.


(1) habitant
(2) Dieux de la maison
(3) se dit aussi de ce qui rassasie l'esprit (Dict. de Furetière)
(4) tas d'épis laissés sur le sol, qu'on laisse sécher avant d'en faire des bottes.
(5) butte de terrre laissée par les taupes ...
(6) reine de la mer
(7) maître d'école de village
(Cool noeuds coulants pour prendre oiseaux, lièvres ou autres gibiers
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Message par crodan00 Jeu 6 Mai - 3:14

LE RAT QUI S'EST RETIRE DU MONDE


Jean de la Fontaine - Page 4 Ramond10

Les Levantins (1) en leur légende
Disent qu'un certain Rat las des soins (2) d'ici-bas,
Dans un fromage de Hollande
Se retira loin du tracas.
La solitude était profonde,
S'étendant partout à la ronde.
Notre ermite nouveau (3 ) subsistait là-dedans.
Il fit tant de pieds et de dents
Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage
Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ?
Il devint gros et gras ; Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font voeu d'être siens.
Un jour, au dévot personnage
Des députés du peuple Rat
S'en vinrent demander quelque aumône légère :
Ils allaient en terre étrangère
Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
Ratopolis était bloquée :
On les avait contraints de partir sans argent,
Attendu l'état indigent
De la République attaquée.
Ils demandaient fort peu, certains que le secours
Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
Mes amis, dit le Solitaire,
Les choses d'ici-bas ne me regardent plus :
En quoi peut un pauvre Reclus
Vous assister ? que peut-il faire,
Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci ?
J'espère qu'il aura de vous quelque souci.
Ayant parlé de cette sorte,
Le nouveau Saint ferma sa porte.
Qui désignai-je, à votre avis,
Par ce Rat si peu secourable ?
Un Moine ? Non, mais un Dervis (4) :
Je suppose qu'un Moine est toujours charitable



Sources : La Fontaine semble avoir inventé de toutes pièces l'intrigue de cette fable, en relation peut-être avec le refus du clergé régulier (en 1675) d'apporter une contribution financière dans le "don gratuit", contribution du Clergé aux dépenses de la guerre de Hollande. Peut-être aussi trait de satire contre les moines ? ...



(1) Peuples de l'Orient
(2) soucis
(3) d'une nouvelle espèce
(4) religieux turc menant une vie de pauvreté et austère
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Message par crodan00 Ven 7 Mai - 9:10

Le Renard anglais
(A Madame Harvey)


Jean de la Fontaine - Page 4 Renang10

Le bon coeur est chez vous compagnon du bon sens,
Avec cent qualités trop longues à déduire (1),
Une noblesse d'âme, un talent pour conduire
Et les affaires et les gens,
Une humeur franche et libre, et le don d'être amie
Malgré Jupiter même et les temps orageux (2).
Tout cela méritait un éloge pompeux ;
Il en eût été moins selon votre génie :
La pompe vous déplaît, l'éloge vous ennuie.
J'ai donc fait celui-ci court et simple. Je veux
Y coudre encore un mot ou deux
En faveur de votre patrie :
Vous l'aimez. Les Anglais pensent profondément (3) ;
Leur esprit, en cela, suit leur tempérament :
Creusant dans les sujets, et forts d'expériences,
Ils étendent partout l'empire des sciences.
Je ne dis point ceci pour vous faire ma cour.
Vos gens à pénétrer l'emportent sur les autres :
Même les chiens de leur séjour
Ont meilleur nez que n'ont les nôtres (4).
Vos renards sont plus fins. Je m'en vais le prouver
Par un d'eux qui, pour se sauver
Mit en usage un stratagème
Non encore pratiqué, des mieux imaginés.
Le scélérat, réduit en un péril extrême,
Et presque mis à bout par ces Chiens au bon nez,
Passa près d'un patibulaire(5).
Là des animaux ravissants,
Blaireaux, Renards, Hiboux, race encline à mal faire,
Pour l'exemple pendus, instruisaient les passants.
Leur confrère aux abois entre ces morts s'arrange.
Je crois voir Annibal qui pressé des Romains,
Met leurs chefs en défaut, ou leur donne le change,
Et sait en vieux renard s'échapper de leurs mains (6).
Les clefs de meute (7), parvenues
A l'endroit où pour mort le traître se pendit,
Remplirent l'air de cris : leur Maître les rompit (Cool,
Bien que de leurs abois ils perçassent les nues.
Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant.
Quelque terrier, dit-il, a sauvé mon galant.
Mes chiens n'appellent (9) point au delà des colonnes (10)
Où sont tant d'honnêtes personnes.
Il y viendra, le drôle! Il y vint, à son dam (11).
Voilà maint Basset clabaudant (12),
Voilà notre Renard au charnier se guindant (13).
Maître pendu croyait qu'il en irait de même
Que le jour qu'il tendît de semblables panneaux (14):
Mais le pauvret, ce coup, y laissa ses houseaux (15).
Tant il est vrai qu'il faut changer de stratagème.
Le Chasseur, pour trouver sa propre sûreté,
N'aurait pas cependant un tel tour inventé ;
Non point par peu d'esprit ; est-il quelqu'un qui nie
Que tout Anglais n'en ait bonne provision ?
Mais le peu d'amour pour la vie (16)
Leur nuit en mainte occasion.

Je reviens à vous, non pour dire
D'autres traits sur votre sujet
Tout long éloge est un projet
Trop abondant pour ma lyre.
Peu de nos chants, peu de nos vers,
Par un encens flatteur amusent l'univers
Et se font écouter des nations étranges.
Votre prince (17) vous dit un jour
Qu'il aimait mieux un trait d'amour
Que quatre pages de louanges.
Agréez seulement le don que je vous fais
Des derniers efforts de ma Muse.
C'est peu de chose ; elle est confuse
De ces ouvrages imparfaits.
Cependant ne pourriez-vous faire
Que le même hommage pût plaire
A celle qui remplit vos climats d'habitants
Tirés de l'île de Cythère?
Vous voyez par là que j'entends
Mazarin (18), des Amours déesse tutélaire.


La fable "Le renard anglais" est dédiée à Madame Harvey, veuve de l'ambassadeur d'Angleterre à Constantinople et soeur de Ralph Montaigu, ambassadeur d'Angleterre à Paris de 1669 à 1672. Elle est revenue avec lui à Paris en 1683, et L.F. l'a souvent rencontrée là.
La source de cette fable a été découverte par H.Busson (1959). Elle semble empruntée à Digby, admirateur de Descartes, publiée à Paris, d'abord en anglais (1644), puis en latin (1651 et 1655). Ce récit avait été repris et publié par A.Legrand, un capucin, en 1675, en Angleterre. Peut-être La Fontaine a-t-il entendu parler de ce récit par Mme Harvey en 1683. "Un renard entre dans une basse-cour, voit une potence où sont pendus les cadavres de bêtes nuisibles et va pour se cacher se pendre au milieu d'eux". Encore un exemple emprunté aux adversaires de "L'âme des bêtes" pour mieux les combattre.

(1) à exposer en détail
(2) allusion à l'état de plus en plus désolant de la France à cette époque.
A cette époque, l'Angleterre fascinait L.F., où séjournaient, en asile politique, plusieurs de ses amis les plus intimes parmi lesquels la duchesse de Bouillon, Saint-Evremond...
(d'après Jürgen Grimm "le livre XII des fables, somme d'une vie, somme d'un siècle ?")
(3) progrès des sciences en Angleterre déjà
signalé dans "un animal dans la lune" (VII,17)
(4) allusion à la race sélectionnée des chiens
de renards (foxhounds).
(5) une potence
(6) allusion aux ruses de guerre contées par Tite-Live.
Annibal avait échappé à Fabius Cunctator, en lançant des boeufs portant des torches allumées. les Romains s'y précipitèrent, croyant à une percée de ce côté là. Annibal s'échappa de l'autre côté.
(7) "Meilleurs chiens et des mieux dressés, qui servent à redresser et conduire les autres" (Furetière)
(Cool les rappela pour les empêcher de continuer la chasse
(9) n'aboient
(10) le gibet était fait de colonnes et de poutres...
(11) pour sa perte
(12) aboyant
(13) se hissant
(14) le jour où il avait utilisé la même ruse
(15) mourut
(16) le nombre des suicides est grand en Angleterre.
Le chasseur anglais n'aurait pas inventé le stratagème du renard, ayant trop peu de goût pour la vie
(17) Charles II
(18) Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, pour qui Mme Harvey s'était prise d'un sentiment passionné
"Tout sexe pour Hortense a fourni des amants"
("Oeuvres" de Saint-Evremond)
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Message par crodan00 Lun 10 Mai - 4:42

LE RENARD AYANT LA QUEUE COUPEE


Jean de la Fontaine - Page 4 Le-ren10

Un vieux Renard, mais des plus fins,
Grand croqueur de Poulets, grand preneur de Lapins,
Sentant son Renard d'une lieue,
Fut enfin au piège attrapé.
Par grand hasard en étant échappé,
Non pas franc (1), car pour gage il y laissa sa queue;
S'étant, dis-je, sauvé sans queue, et tout honteux,
Pour avoir des pareils (comme il était habile (2)),
Un jour que les Renards tenaient conseil entre eux :
Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,
Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ?
Que nous sert cette queue ? Il faut qu'on se la coupe :
Si l'on me croit, chacun s'y résoudra.
Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe;
Mais tournez-vous, de grâce, et l'on vous répondra.

A ces mots il se fit une telle huée,
Que le pauvre Ecourté (3) ne put être entendu.
Prétendre ôter la queue eût été temps perdu;
La mode en fut continuée.


La source de la fable est Esope : "Le renard écourté". La moralité en était la suivante :"Cette fable s'applique à qui conseille son prochain non par bienveillance, mais par intérêt propre".(traduction de D. Loayza, GF-Flammarion).
Les deux vers de La Fontaine : "Votre avis...répondra" offrent une plus grande efficacité et un excellent comique.

(1) exempt des charges et impôts. Ici, signifie : non pas sans dommage
(2) rusé
(3) "se dit d'un chien à qui on coupe la queue..." (Furetière)
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Message par crodan00 Mar 11 Mai - 5:12

Le renard et la cigogne (*)


Jean de la Fontaine - Page 4 Rencig10

Compère (1) le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cigogne (2).
Le régal fut petit et sans beaucoup d'apprêts :
Le Galand, pour toute besogne (3)
Avait un brouet (4) clair (il vivait chichement).
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette.
La Cigogne au long bec (5) n'en put attraper miette ;
Et le Drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
À quelque temps de là, la Cigogne le prie.
Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie."
À l'heure dite, il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort sa politesse,
Trouva le dîner cuit à point.
Bon appétit surtout ; Renards n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande (6).
On servit, pour l'embarrasser
En un vase à long col, et d'étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer,
Mais le museau du Sire était d'autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l'oreille.
Trompeurs, c'est pour vous que j'écris,
Attendez-vous à la pareille.



(*) Sources : Fable ésopique recueillie par Plutarque (Symposiaques, I,1) . Deux versions latines en existaient
dans le recueil de compilation des textes antiques de Névelet paru au siècle de L.F. : l'une d'Ésope, l'autre de Phèdre. Une autre de Phèdre existait aussi dans l'édition Sacy.

(1) compère et commère : le parrain et la marraine, puis :
les amis
(2) le titre des éditions anciennes s'écrit "Le Renard et le Cicogne" (du latin cicogna), La Fontaine écrivait : "cicogne".
(3) au XVIème, le mot est employé au sens très vague de chose
(4) "bouillon qu'on portait autrefois aux nouvelles mariées
le lendemain de leurs noces..., se dit aussi d'un méchant potage" (Furetière)
(5) nous verrons un peu plus tard "Le héron au long bec emmanché d'un long cou"
(6) tendre et délicate
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Message par crodan00 Mer 12 Mai - 3:45

LE RENARD ET LE BOUC


Jean de la Fontaine - Page 4 Renbou10

Capitaine Renard allait de compagnie
Avec son ami Bouc des plus haut encornés (1) .
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez ;
L’autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits.
Là chacun d’eux se désaltère.
Après qu’abondamment tous deux en eurent pris,
Le Renard dit au Bouc : Que ferons-nous, Compère !
Ce n’est pas tout de boire ; il faut sortir d’ici.
Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi :
Mets-les contre le mur. Le long de ton échine
Je grimperai premièrement (2) ;
Puis sur tes cornes m’élevant,
A l’aide de cette machine (3),
De ce lieu-ci je sortirai,
Après quoi je t’en tirerai.
Par ma barbe, dit l’autre, il est bon ; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n’aurais jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l’avoue.
Le Renard sort du puits, laisse son Compagnon,
................Et vous lui fait un beau sermon
Pour l’exhorter à patience.
Si le Ciel t’eût, dit-il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n’aurais pas à la légère
Descendu dans ce puits. Or adieu, j’en suis hors ;
Tâche de t’en tirer, et fais tous tes efforts ;
Car, pour moi, j’ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d’arrêter en chemin.
En toute chose il faut considérer la fin.



La Fontaine s'inspire pour cette fable d'un apologue d'Esope, repris par Phèdre (auquel La Fontaine n'a rien emprunté).


(1) muni de cornes ; vocabulaire burlesque
(2) d'abord
(3) l'échelle improvisée, qui va les faire se mouvoir est considérée comme une machine
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Message par crodan00 Ven 14 Mai - 4:30

LE RENARD ET LE BUSTE


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Les Grands, pour la plupart, sont masques de théâtre;
Leur apparence impose (1) au vulgaire idolâtre.
L'âne n'en sait juger que par ce qu'il en voit :
Le Renard, au contraire, à fond les examine,
Les tourne de tout sens ; et, quand il s'aperçoit
Que leur fait (2) n'est que bonne mine,
Il leur applique un mot qu'un Buste de héros
Lui fit dire fort à propos.
C'était un Buste creux, et plus grand que nature.
Le Renard, en louant l'effort de la sculpture:
«Belle tête, dit-il, mais de cervelle point.»

Combien de grands Seigneurs sont Bustes en ce point!


Le Renard et le Buste a pour source Esope : "Le renard et le masque" (Nevelet p. 95), et Phèdre : I,7.
Chez Esope, on lit :" Cette fable vise les hommes dont le corps est plein de prestance, mais dont l'âme est dépourvue de jugement" (Esope, traduction de D. Loayza, GF-Flammarion p. 65)

(1) en impose
(2) conduite, allure
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